- Je vous dis, je vous répète
que les extra-terrestres vont envahir la ville. Je suis tombé sur
un commando qui a voulu m'enlever. Et puis arrêtez de me dire que
je suis bourré. Je ne suis pas plus bourré que vous !
- Faites attention à
ce que vous dites, Monsieur, vous êtes dans un commissariat de police
ici et vous vous adressez à un représentant de l'autorité
publique.
- Ecoutez… Moi, c'est simple,
hein… Je pourrais garder tout ça pour moi. Je ne suis pas obligé
de vous mettre au courant. D'ailleurs je leur ai promis aux filles que
je n'en parlerais pas. Si je viens vous voir, c'est pour le chat.
- Bon, reprenons votre déposition.
Vous dites que les extra-terrestres ont pris l'apparence de jeunes filles
nues à la peau verte ?
- C'est exact. Jaune aussi.
Et rouge. Et bleue.
- Attendez, vous m'avez fait
taper qu'elles étaient deux ?
- J'ai pas dit qu'elles étaient
deux, j'ai dit qu'elles étaient par deux. Comme des jumelles. Deux
paires, ça fait quatre.
- Bon, d'accord. Ce qui m'étonne
c'est qu'elles aient voulu vous faire monter dans un véhicule tout
à fait ordinaire.
- Une Citroën Picasso,
oui. Mais j'ai tout de suite vu que c'était une soucoupe volante.
- Ah ? Et comment donc vous
en êtes vous rendu compte ?
- A cause du chauffeur. Il
avait une livrée de Monsieur Loyal, une espèce de costume
à brandebourgs. J'ai vu le même dans une pièce au TNB. |
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- Donc, je résume. Quatre
jolies femmes nues vous invitent à monter dans une soucoupe volante
en forme de Citroën Picasso. Elles n'ont pas abusé de la force
? Elles n'avaient pas de super-pouvoir pour vous endormir, vous n'avez
pas été hypnotisé, des choses comme
ça ?
-- Non, pas du
tout. On a discuté le coup. Elles m'ont proposé de monter
dans la Citroën, elles m'ont dit que le type en costume de cirque
allait me ramener chez moi avec mes paquets, que c'était une opération
publicitaire d'une association de commerçants rennais.
- Et qu'est-ce que vous avez
dit alors ? |
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- Je leur ai dit que j'étais
sujet au vertige, que je pouvais pas aller avec elles parce que j'avais
la grippe et que si elles voulaient faire des expériences sur un
habitant type de la planète Terre, il ne fallait surtout pas qu'elles
me choisissent moi, que je n'étais pas du tout représentatif
du Français moyen, que j'étais même moi-même
du genre extra-terrestre. Vous vous rendez compte, monsieur le brigadier
: je fais partie des 10% de Français qui lisent encore des livres,
des 1% qui n'ont pas la télé chez eux et des 0,03% qui n'achètent
pas leurs cadeaux de Noël chez Amazon.fr !
Le brigadier cessa de taper
sur sa machine à écrire. Il retira les feuilles du rouleau
et les tendit à l'homme avec lassitude.
- Vous voulez bien signer votre
déposition ? Là, là et là.
- Voilà.
- Si on le retrouve, on vous
fera signe, monsieur Lacan. Et pour l'invasion des extra-terrestres, je
vous promets qu'on avertira les autorités autorisées.
- C'était qui ce dingue,
brigadier ?
- Un type qui a trop fêté
Noël, évidemment. Il est venu déposer plainte comme
quoi des femmes nues de toutes les couleurs lui
auraient volé son chat qui s'appelle Léon, place de Bretagne,
avant de s'envoler dans une Citroën Picasso.
- Eh ben ! On n'a pas eu de
bogue en l'an 2000 mais on ne coupe pas à ceux qui ont forcé
sur le whisky pour fêter le passage au troisième
millénaire !
- Attendez, je ne vous ai pas
tout dit. Le type est psychanalyste et habite dans une église désaffectée
!
- Si jamais son histoire est
vraie, brigadier, les filles vont avoir bien du plaisir avec le chat !
Ca doit être quelque chose d'avoir un maître pareil !