CHAPITRE III : NOTES DE PARCOURS DE P'TIT LOUIS
2. Notes prises pour établir le parcours du désir (2)
 

Description du trajet

Départ : 40, rue de Saint-Malo La bernique Hurlante
On prend ensuite à gauche la ruelle aux Chapeliers, puis la rue G. Tardif. On prend à gauche la rue de Dinan que l'on descendra, après une petite incursion dans la rue Noël Du Fail, jusqu'au théâtre du vieux Saint-Etienne. On évitera de regarder dans la rue d'Echange et on tournera rue Pierre Gourdel. On descendra jusqu'au boulevard de Chézy, on tournera à droite et avant le Carpe Diem on prendra l'escalier qui mène rue d'Echange aux portes du Paradis. Puis on reprendra la rue de Dinan jusqu'au bout, rue de Juillet, on traversera la place du bas des Lices et on arrivera enfin rue de la Monnaie.
Arrivée : 4, rue de la Monnaie
 
Ruelle aux Chapeliers

Par une petite porte situé à côté de l'Hélios, autre restaurant grec lui aussi blanc et bleu, on pénètre dans la ruelle aux Chapeliers. Alors commence pour nous un périple au désert, une promenade silencieuse dans des endroits fort calmes. Nous sommes ici au coeur de la cité d'Aleth mais rien n'évoque vraiment cette partie de Saint-Malo/Saint-Servan que je ne connais pas mais qui est située non loin de la tour Solidor. Peut-être par beau temps, de la cité d'Aleth, la vraie, aperçoit-on les côtes blanches de l'Angleterre ? Ici, en tout cas, oui. Les petites ruelles, les courettes et les jeux d'enfants évoquent les nursery rhymes, les films de Kenneth Loach et les folies d'Alice au pays des Merveilles :
 

A cinq heures on peut amener 
Son loir et lui tremper 
Le nez 
Dans un grand bol de thé 

Parfois on entendrait 
Le lièvre de mars nous chanter : 
"En avril, rue du Boberil  
ne te découvre pas d'un fil 
Mais en mai, fais ce qu'il te plaît,  
surtout rue Boisgelin de Cucé" 

Et le chapelier fou 
Vous offrira du vin 
Alors qu'il n'ya en a pas 
Et vous posera des devinettes 
Qui n'ont pas de réponse 

 
 

On pourra jouer ici aussi au "jeu du memory des rues de Rennes" :

Dans la ruelle aux Chapeliers
Le temps s'est arrêté :
Il est toujours l'heure du thé
Mais "L'Heure des thés"
S'est arrêtée
Place du Champ Jacquet

***
 
Dans la ruelle 
Aux Chapeliers 
Si votre belle 
Vous a posé 
Un lapin 
C'est un lapin fou à lier 
Sûrement échappé du pays d'Alice 
Pour vous faire goûter aux délices 
Du désir de la retrouver 
 


On peut jouer aussi au jeu du puits de mélasse, mais c'est plus... délicat.
Le loir, dans Alice au pays des merveilles, raconte l'histoire des trois soeurs qui vivaient dans un puits de mélasse et qui apprenaient à dessiner tout ce qui commence par M.
Vous aussi, faites la liste de tout ce qui commence par M et qui a trait au désir et dessinez-le :
Mariée Minette Mamelon Mie Mignonne...
Ou par C ou par B ou par S....

N'éveillez pas le chat qui dort dans la ruelle aux chapeliers
Ce n'est pas encore l'heure du thé chez la marmotte
Ni celle de jouer à sourire perché dans la rue de la Tamise ou aux jardins de Londres

Rue Noël Du Fail

Rue Noël du Fail, il faut aller voir sur la gauche l'atelier de serrurerie et de ferronnerie d'art. Sur la porte, en fer forgé rouge, est représenté un ouvrier. De son marteau levé, il s'apprête à frapper le métal en fusion pour forger une ceinture de chasteté pour la femme du croisé méfiant qui habite plus loin dans la rue de Dinan.

Un peu plus loin dans la rue, au numéro 22, il y a d'autres mosaïques d'Odorico.

Les "Contes d'Eutrapel"
Sont de Noël Du Fail
Les "Baliverneries"
Aussi
Mais les "Contes des mille et une nuits",
Avant d'incrire son nom au bas du manuscrit,
L'auteur s'est endormi.
(Il faut dire qu' il avait
séché rasades
de raki en quantité)

Rue Robelin

Non la rue Robelin ne vaut pas le détour :
L'auteur du plan de Rennes (1720)
A tracé des artères
Qui ne serpentent pas vers les jeux de l'amour,
Qui ne débouchent pas sur un embarcadère
D'où l'on embarquerait pour l'île de Cythère
Où Vénus offrirait la divine lumière
De ses feux et de ses mystères.
Non, la rue Robelin ne vaut pas le détour

Rue de Dinan

Le désir d'autrefois : au café "au vieux Saint-Etienne" "on reçoit avec provisions". Cette mention est peinte sur la vitre depuis des temps sans doute immémoriaux, et avec une épaisseur de peinture qui mérite une photo en gros plan. Ca donne envie de venir saucissonner en famille ou avec des amis un dimanche. Les hommes auraient tous des gapettes, les femmes boiraient du "gros qui tache"... Mon copain Hervé amènerait son accordéon, moi ma guitare et mon répertoire qui va de Fréhel à Fernandel, de la java bleue à la valse brune... Mais la casquette pendue au porte-manteau rustique nous ramène bien en 1999 : c'est une casquette de joueur de base-ball sur laquelle est inscrit "Bricfa dans ma benz-benz" . Vous comprenez quelque chose, vous, au monde moderne ?

Avant de quitter pour quelques instants la rue de Dinan, il faut parler de l'Atelier de Marianne. Ca ne fait pas très longtemps qu'il s'appelle comme ça. Avant, c'était le siège du club échangiste de Rennes. Il se nommait comme ça, entre autres, à cause de la rue d'à côté, la rue d'Echange. Moi qui l'ai beaucoup fréquenté à une certaine époque, je dois vous avouer que j'y ai rencontré des drôles de timbrés. Des chasseurs de "petit-gris" aux collectionneurs de flammes sur le retour, des adventistes du premier jour à ceux qui en pincent pour la nouveauté, je peux dire que j'en ai vu plein des tordus qui se faisaient péter la charnière pour dénicher de l'introuvable, de l'émouvant, du rare, du finement dentelé. Bonjour la surcharge ! Complètement oblitérés les mecs. Des après-midi entières à s'échanger des doubles rien que pour augmenter la taille de leur collèque !
 
 
L'échangisme, en philatélie, c'est quéqu'chose. Mais bon, maintenant, l'atelier de Marianne,ça n'a plus rien à voir. Finie la semeuse des quatre jeudis. Les mannequins dans la vitrine ont vraiment une drôle de bobine : c'est en effet une bobine de fil qui leur sert de tête. Et Marianne a mis un mot : "L'atelier n'a pas d'horaires : cependant, vous m'y trouverez du mardi au vendredi de 15 heures à 18 heures." On envie la façon dont elle gagne sa vie. Ses robes-tabliers sont vraiment très jolies. Mais l'atelier ne bourdonne pas comme une ruche. L'atelier d'couture n'est pas en fête. Elle doit travailler seule. Oh oui, il est loin le temps du club échangiste rennais. Il est loin le temps des petites mains et des biaiseuses chez Patin. 
Rue Pierre Gourdel

Autre ambiance dans la rue Pierre Gourdel. La rue commence entre un pub irlandais (the Claddagh inn) et un studio photographique [Isaure est aussi photographe ! Ses planches contacts ! Du révélateur !]. Les gens communiquent gentiment, et drôlement, je trouve dans ce quartier ! Chez Le Devehat Kymdyla et Cecylle Blouet, il y a un mot pour le facteur : "M. le facteur : la boîte aux lettres se trouve dans l'entrée d'à côté au 2 rue Pierre Gourdel. Merci." Au numéro 4, il est écrit : "Sonnez plusieurs fois, la sonnerie est malade. Enfin, pas trop fort..."  "Quand la société me déplaît je la change" proclame, plus loin un autocollant. La société, oui, la sonnette, non !

C'est le quartier du théâtre, des peintres et des sculpteurs ici : Gourdel, Pierre, statuaire, 1824-1892. On lui doit notamment la statue de la dame qui essaie de se souvenir du nom des roses dans la Roseraie du Thabor mais qui a oublié qu'elle était amnésique (les guides sérieux, celui de M. Nourry par exemple, la présentent comme étant "la Pensée").
 
 

Métisse, Henri. Peintre rennais, auteur notamment des fresques de la villa qui porte son nom, au n° 8 de la rue Pierre Gourdel à Rennes. Henri Métisse est l'inventeur d'une teinte spécifique de bleu qui permet à qui l'a contemplée de voir ensuite la vie en rose. Comme Gauguin à la fin de sa vie, Henri Métisse n'a peint que des paysages tahitiens à l'avant-plan desquels il faisait figurer des Bretonnes bronzées mais sans leur coiffe typique, simplement vêtues d'un pagne coloré et d'une fleur derrière l'oreille. Cette espèce de collage pictural fut d'ailleurs appelée par la suite "métissage". 
 

 

En face de la villa Métisse, on trouve la Maison du plaisir. On peut admirer sur son mur de façade une autre fresque intéressante. Elle représente un spermatozoïde déguisé en astronaute de la NASA mais reconnaissable au long filament blanc qui s'agite derrière lui. Tel qu'il est peint, ou plutôt dépeint, il vient d'apercevoir le bout du tunnel dans lequel il se trouve : une joyeuse autochtone de la planète Ovullz' s'apprête à lui passer ses gros tentacules verts autour du cou et lui susurre déjà par télépathie : "oh oui viens mon chéri chéri..." 
 
Maison du Plaisir (rue Pierre Gourdel). Cet établissement, tenu par monsieur Coton et madame Tiges (c'est ce qui est réellement écrit sur la boîte aux lettres !) est réservé aux couples qui éprouvent un orgasme rien qu'en se faisant des bisous sur (ou derrière)  le lobe de l'oreille 

 Aujourd'hui 22 mai 1999, sur la porte de la Maison du plaisir, il y avait un petit mot doux :
"Martine, je suis au Museum café de 0 h à 1 h 30. Cédric".
Quelle mentalité, cette jeune génération ! C'est plus "Je cherche après Titine", c'est carrément "Titine, cours après moi que je t'attrape !"

Rue de la Quintaine

En passant par ici, on laisse de côté la rue de la Quintaine : il s'agit d'un jeu médiéval du genre tournoi à cheval avec des chaudes lances dans une chaude lice.

Rue d'Echange
 
 
On pénètrera dans cette rue en empruntant l'escalier qui prend naissance à côté du Carpe diem, boulevard de Chézy. Carpe diem, "mets à profit le jour présent" : mots d'Horace qui rappellent que la vie est courte et qu'il faut se hâter d'en jouir. 
 


Quand vous êtes dans l'escalier, il faut prévenir vos compagnons ou compagnes de route que vous les emmenez dans un endroit magique. En effet, en haut de l'escalier se trouve ni plus ni moins que l'entrée du Paradis.

En haut de l'escalier, la première boutique à notre droite est très jolie. Elle est peinte en bleu ciel et bleu foncé avec des petits liserés blancs. La poignée de la porte d'entrée est torsadée, à l'ancienne. Le décorateur a poussé le vice et l'amour du bleu  jusqu'à peindre sur la vitre elle même un grand rectangle de cette couleur. Sans doute est-il un émule d'Yves Klein ? Sur la porte, une espèce de vitrail représente un paysage hivernal : village aux toits couverts de neige, sapin au premier plan, boîte aux lettres à l'ancienne et dans la nuit, - serait-ce déjà
Noël ? - une étoile filante suit sa course au milieu des flocons qui tombent. A côté, deux photos de filles nues. Des publicités pour 3615 Caprice et 3615 OKJV. Au-dessus une enseigne "Aux portes du Paradis" et une autre enseigne marquée "sex-shop".

Le voisinage du sex-shop et du siège du syndicat F.O. pourrait prêter à rire. D'autant que deux autocollants dans les parages militent l'un pour le "Festival des résistances", l'autre pour "la même réponse syndicale contre les licenciements : à la Bastille le 21 septembre avec F.O. !". La rue d'Echange s'est peut-être appelée, jadis, rue des sans-culottes ?
 

 


Il y a un petit recoin tranquille, devant la maison du docteur Primault où il se passe peut-être des choses la nuit. D'autant que l'entrée du cabinet médical est située boulevard de Chézy. Mais en face, le numéro 42 de la rue est à louer. Peut-être bien qu'il n'y a rien à voir dans le coin et que le locataire précédent, déçu de l'absence de spectacle est parti vivre ailleurs. C'est difficile, comme métier, voyeur. On a peu de satisfactions.

On laissera de côté pour un temps ou même pour toujours la rue Michel Le Nobletz, prédicateur et missionnaire (1577-1652) dont tout le monde a oublié aujourd'hui la position courageuse qu'il avait prise dans la querelle des anciens et des modernes.
 
 
Cette rue, c'est un peu la Belgique. Sur le trottoir de gauche, avec les cloches du dimanche matin en fond sonore, on se croirait à Gand, ou à Bruges, dans une rue perdue. Pas un chat, pas un pavé, mais un autocollant bilingue : "top is te veel : 300 milliards de taxes par an" en dessous d'un drapeau belge (noir jaune rouge) ou le jaune est remplacé par un citron à roulettes. Une association d'automobilistes belges à Rennes ! Et pour parfaire le tout, à l'angle de la rue de Dinan (Dinant, près de Namur ?) le bar le Nozdei (avec un z, comme dans waterzooï) affiche sur sa vitrine une publicité pour la bière de Leffe. 
 N'oublions pas le désir en chemin : au n° 16 de la rue d'Echange, c'est très dur de résister à la tentation : "pour sonner, tirer longuement sur le fil de fer". Pourquoi longuement ? On imagine derrière la porte un long couloir et une cloche au bout de ce long fil tordu qui dépasse par le trou de la boîte aux lettres. Si on tire, peut-être que ce fil de fer va devenir guimauve ou réglisse et qu'au bout il y aura, en lieu et place du son de cloche, un message sur papier du style "il faut savoir résister à la tentation : vous avez encore des efforts à faire !".

Square Claude Ligot

[Je les imagine bien, Théodore et Isaure, échappés aux parents, venant s'asseoir ici dans le square Claude Ligot devant l'église Saint-Etienne devenue, depuis, le Théâtre du vieux Saint-Etienne. Il y a les bancs, il y a le muret devant le carré de pelouse, il y a l'ombre des tilleuls, celle des jeunes filles en fleur, mais non, ce n'est pas une ombre, c'est un soleil, elles nous illuminent et nous en devenons radieux plus qu'ombrageux... Quel magnifique endroit pour un théâtre ! Quel magnifique théâtre pour des amours. Mais que penser de l'espace réservé aux chiens juste à côté ? Nous incite-t-il à fredonner la chanson (heureusement ? malheureusement ?) fort oubliée : "Dites-moi, ma mère, dites-moi ma mère pourquoi les chiens dans la rue se montent dessus ?". On peut penser aussi au chien qui suivit paraît-il, l'enterrement de Mozart. Et au statut des comédiens, longtemps excommuniés, longtemps interdits de cimetière.
 
Ici, dans ce lieu là, il faudrait un long texte à déclamer devant cette église-théâtre. Un long dialogue entre Isaure "le désir est d'abord un regard" et en regard son Théodore avec ses "mots-délire pour la conversation". Il faudrait raconter leur mariage imaginaire, comment ils investissent de leur folie le bâtiment entier, comment ils bâtissent ce théâtre avec des mots et des images. L'homme poète, la femme photographe, et le théâtre pour les joindre. 
 
 

L'église est pavoisée d'herbes sauvages grimpées sur le corps du clocher. Mais le cérémonial d'Isaure et Théodore ne les mènera pas, ni notre groupe non plus, derrière la vieille église. Sur les bancs et sur les portes, des tags et graffiti d'une rare obscénité ont fleuri. Difficile de se régaler avec des crudités.

Pourtant, "Ange la pute", sur une porte d'église, il y a quelque chose. Ca se donne encore, comme prénom, Ange ?]

Rue de Juillet

 

Vu à la devanture du "Comptoir irlandais", rue de Juillet : un superbe caleçon avec plein de brebis blanches et un seul bélier noir. A offrir de préférence aux natifs du signe du bélier. En leur souhaitant d'avoir un sacré coup de boutoir ! 

Rue de Juillet, le magasin de robes de mariées en face de la halle Martenot s'appelle "Complicité". Complices ? De quel crime ? Et quelle est la punition ? Elle doit être sévère, car les mannequins ne sourient pas et il y en a même une qui a perdu la tête !

Rue de la Monnaie

Dans la rue de la Monnaie, on peut aussi choisir Dany-Boutic : "Mariages, cortèges, cocktail, danse de salon". Finalement, je pense que je vais prendre "cocktail danse de salon". C'est moins dangereux, ça engage moins.

Parcours des animaux : dans la rue de la Monnaie, ajoutons dans notre escarcelle la blanche hermine qui est à l'entrée du bar "l'Escarcelle".

Nous sommes revenus dans des rues chaudes : "X voyages", par exemple, propose la Thaïlande comme destination !
 
 
 
 Retournez au menu
de Rennes en délires 
Retournez au menu des 
Notes de parcours
Précédent
Suivant