Je placerais bien volontiers, tout au long du parcours du désir, l'histoire d'Isaure et de Théodore, les amoureux secrets qui symbolisent Rennes, un couple dont on ne sait rien, dont on imagine simplement qu'ils se sont regardés, qu'ils se sont parlé, qu'il se sont promenés, qu'ils se sont désirés, qu'ils ont désiré l'impossible ; qu'ils ont disserté sur ces assertions : "Le pays des chimères n'est-il pas en ce monde le seul digne d'être habité ?" "Il n'y a rien de beau que ce qui n'est pas".
Description du trajet :
Départ au n° 6, rue
de la Cochardière au fond de la cour au rez-de-chaussée,
les volets verts
On remonte la rue de la Cochardière
jusqu'au carrefour, on entre dans la rue d'Antrain, on tourne à
droite rue de Bonne Nouvelle, puis contour Saint-Aubin et enfin à
droite, rue de Saint-Malo.
Arrivée 40, rue de Saint-Malo
La bernique Hurlante
Parlons d'abord d'Isaure Chassériau. Ma patronne du moment. Elle a fondé une agence de tourisme appelé l'AFAR : Agence de Flânerie Amoureuse Rennaise. Contre espèces sonnantes et trébuchantes, elle vous guidera dans Rennes pendant une heure. Et pendant cette heure-là, vous regarderez ensemble dans la même direction, ce qui n'est pas pour déplaire à Antoine de Saint-Exupéry. De toute façon avec Isaure, il est inutile d'espérer plus. Mais à chaque fois, allez savoir pourquoi, les clients reviennent.
Le Carthage fait évidemment penser à Hannibal et aux délices de Capoue
La librairie
Gruel a fait un très louable effort ce jour en faveur du désir
et de la ville invisible. Quatre jolies femmes nues illustrent la paresse
au milieu de la vitrine et les livres autour ont pour titres : "La Chasse
vive en perdrix", "Gilles de Rais" par Georges Bataille, "Désir
nomade", poèmes de Marc Baron, "Dictionnaire des jeux", "Histoire
de la dentelle" et surtout "L'amour en visite" d'Alfred Jarry.
A l'Arvor,
cette semaine, on joue "Chat noir, chat blanc". A l'autre bout de ce parcours
se trouve le bistrot "le chat bleu". Quelque part à Rennes habite
Mme Monchatblond. Il y a aussi la mère Michel, celle qui a perdu
son chat. Mais celui qu'on préfère, c'est évidemment
le Chat qui pêche. Enfin... qui pèche !
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Au-dessus du porche du n° 48, là où se trouve l'agence Maison rouge, deux lions vénitiens, mais l'anneau qu'ils ont dans la gueule n'est pas un heurtoir. Ou alors il faut être diablement grand... |
Il y a deux femmes nues à
l'entrée de l'agence Maison rouge. Elles pourraient être soeurs
jumelles nées sous le signe des Gémeaux, mais elles font
penser aux sirènes, et seraient donc plutôt Poissons. Eh bien
non, en fait, elles sont dans la position du symbole du Verseau. Rennes
est une ville astro-pas-logique.
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Au 54, Minos, joli restaurant grec. La fille de Minos et de Pasiphaé avait pour nom Ariane. Elle brûla de passion pour Thésée et lui fit don, avant qu'il n'entre dans le Labyrinthe, d'un fil conducteur que celui-ci déroula afin de retrouver son chemin. [Au début de notre parcours du désir, nous pourrions peut-être prendre ici au passage le deuxième des compagnons imaginaires qui nous serviront de fil d'Ariane : Isaure Chassériau et donc maintenant son cousin Théodore, le peintre-poète. Nous les retrouverons de toute façon au bout du voyage. Et comme il s'agit de joindre des points rouges sur la carte, ils nous serviront de fil... rouge]. |
Dans la longue discussion sur le sexe des anges, la quincaillerie de la rue d'Antrain a choisi son camp : sur le panneau central, parmi d'autres motifs de ferronnerie, c'est bien une dame qui a des ailes et qui lève les bras au bout desquels elle tient... une mésange. |
Quelques voisinages amusants : pas loin de l'Institut culturiste rennais, la boutique d'artisanat monastique est entourée de California Music et du Natchez (prononcer Natchèze). Sur la porte de ce café, on a écrit "tirez" mais là on ne prononce pas "tirèze". |
Chez Impressions, quelques images intéressantes : un amoncellement de boîtes de conserve avec notamment une reproduction de celle du "Crabe aux pinces d'or", ce qui renvoie directement à l'histoire d'Ursula Devier-Jonccourt qui est racontée par ailleurs et qui se passe rue d'Antrain à l'Oniris. |
La pizzeria au bout de la rue s'appelle : "la Petite Capri". Capri, c'est fini... Et de fait, à l'intérieur, on aperçoit un poster des sols en mosaïque de la basilique Saint-Marc à Venise. |
Au numéro 9, avant de tourner, le magasin Valton montre sur sa façade une statue d'Hermès (Mercure) et d'autres mosaïques signées Odorico. Au numéro 58, un mascaron au-dessus de la porte représente également Hermès : il a un peu, je dois le dire, la même tête que Chico Marx, avec des ailes sur son casque de mineur. On sent que bien que l'enlèvement d'Eurydice (au Thabor) s'est préparé dans cette rue. |
Rue
de Saint-Malo
De la Rose mystique
Jusqu'à la Trocoquine
Il n'y a que quelques pas
Qui ne nous font même
pas
Tomber de Charibde en Sylla
:
En fermant les yeux, pour
ne rien sentir
Madame a laissé monsieur
accomplir
La volonté divine
Puis elle s'est
mise à grossir
Et le bébé qui va sortir On pourra venir le vêtir Chez madame Trocoquine
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"La Bernique hurlante"
"La moule rieuse"
"Le bigorneau hâbleur"
"La palourde chantante"
Et le coquillage vénusien
peint par Botticelli
Ne se trouvent pas tous dans
la rue de Saint Malo
Au King créole, à
gauche, la carte des desserts :
Tourment d'amour Beignet ananas Banane flambée Coupe de glace Quelle douche écossaise, mes aïeux ! |
Ailleurs, dans le même
restaurant, sur la même carte :
Acras de morue
Bouchon
Boudin
Crabe farci
Mise en bouche
Salades Marie-Galante
Et si on transformait
tout ça en diminutifs affectueux ? Mon acra de morue, mon bouchon,
mon boudin, mon crabe farci, ma mise en bouche, ma Marie-Galante, mon tourment
d'amour, mon beignet d'ananas, ma banane flambée, ma coupe de glace,
ô ma doudou...
Pour les enfants, Isaure devrait imaginer un parcours des animaux rennais. J'y mettrais volontiers le chat du 28, rue de Saint Malo, (cabinet St-Sauveur, H. Aussant imprimeur), tous les animaux du "Maquis" : tortue, crocodile, éléphant, serpent, rhinocéros, girafe. Et deux autres girafes, celle du Matuvu, sur la place du Bas des Lices et celle dans la vitrine de la galerie Massicot, rue de l'Horloge. Et plein d'autres animaux encore... |
A la Bernique hurlante, un lapin dans un hamac vante la fête de la paresse. "1er mai. Stands, animation, kermesses, performances". S'agit-il de performances amoureuses ? L'affiche indique en effet un peu plus bas : "animation des rutoyens du monde". Personnellement je ne suis pas venu à cette fête : j'ai préféré rester au lit avec mon amie. Descendre en ville le premier mai, surtout pour une fête de la Paresse, ça me fatigue. Parce qu'après, c'est pas le tout, il faut remonter.
Le jeu du memory, ou plutôt le jeu des mariages des rues de Rennes. Certaines rues de Rennes, certains lieux de Rennes sont jumelés. Ce n'est pas qu'ils soient identiques, non. Ils sont plutôt complémentaires. Ainsi la perruque bleue dans la vitrine de Nicky, salon de coiffure afro-antillais, évoque-t-elle par sa couleur, le Chat bleu qui se trouve rue Dupont Des Loges
Au-dessus de "La moule rieuse", la mouette est silencieuse. Gaston est parti en balade avec mademoiselle Jeanne et le chat miaule sur les toits la nuit pour embêter Prunelle qui loge par ici
Un autre poème de Théodore,
le cousin amoureux d'Isaure :
La rue de Saint-Malo
Est un port sans bateaux : Dans des parfums d'Ylang-Ylang Mon coeur Y tangue Entre désir d'ailleurs Et magie de ce lieu Où les métissages sont heureux Entre la Grèce blanche et bleue, L'Afrique rouge, orange et jaune, La vodka du bar de l'Ozone, Les cèdres du Liban, Les richesses de l'Inde... La rue de Saint-Malo
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Par-dessus, une affiche publicitaire
pour le catalogue du Gai savoir représente la couverture du livre
de Willy : le troisième sexe. Le Gai savoir, à mon avis,
il y a une faute d'orthographe : il faudrait écrire plutôt
"gay".
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