CHAPITRE III : NOTES DE PARCOURS DE P'TIT LOUIS
1. Notes prises pour établir le parcours du désir (1)
 

        Je placerais bien volontiers, tout au long du parcours du désir, l'histoire d'Isaure et de Théodore, les amoureux secrets qui symbolisent Rennes, un couple dont on ne sait rien, dont on imagine simplement qu'ils se sont regardés, qu'ils se sont parlé, qu'il se sont promenés, qu'ils se sont désirés, qu'ils ont désiré l'impossible ; qu'ils ont disserté sur ces assertions : "Le pays des chimères n'est-il pas en ce monde le seul digne d'être habité ?" "Il n'y a rien de beau que ce qui n'est pas".

Description du trajet :

Départ au n° 6, rue de la Cochardière au fond de la cour au rez-de-chaussée, les volets verts
On remonte la rue de la Cochardière jusqu'au carrefour, on entre dans la rue d'Antrain, on tourne à droite rue de Bonne Nouvelle, puis contour Saint-Aubin et enfin à droite, rue de Saint-Malo.
Arrivée 40, rue de Saint-Malo La bernique Hurlante

Rue de la Cochardière

Parlons d'abord d'Isaure Chassériau. Ma patronne du moment. Elle a fondé une agence de tourisme appelé l'AFAR : Agence de Flânerie Amoureuse Rennaise. Contre espèces sonnantes et trébuchantes, elle vous guidera dans Rennes pendant une heure. Et pendant cette heure-là, vous regarderez ensemble dans la même direction, ce qui n'est pas pour déplaire à Antoine de Saint-Exupéry. De toute façon avec Isaure, il est inutile d'espérer plus. Mais à chaque fois, allez savoir pourquoi, les clients reviennent.

Rue d'Antrain

Le Carthage fait évidemment penser à Hannibal et aux délices de Capoue

La librairie Gruel a fait un très louable effort ce jour en faveur du désir et de la ville invisible. Quatre jolies femmes nues illustrent la paresse au milieu de la vitrine et les livres autour ont pour titres : "La Chasse vive en perdrix", "Gilles de Rais" par Georges Bataille, "Désir nomade", poèmes de Marc Baron, "Dictionnaire des jeux", "Histoire de la dentelle" et surtout "L'amour en visite" d'Alfred Jarry.
 

 
La librairie musicale s'appelle "au Cor des Alpes". Cela fait irrémédiablement penser à Georges Brassens, à ses "Trompettes de la Renommée", chanson dans laquelle il parle de faire "un p'tit peu d'alpinisme sur son Mont-de-Vénus"

A l'Arvor, cette semaine, on joue "Chat noir, chat blanc". A l'autre bout de ce parcours se trouve le bistrot "le chat bleu". Quelque part à Rennes habite Mme Monchatblond. Il y a aussi la mère Michel, celle qui a perdu son chat. Mais celui qu'on préfère, c'est évidemment le Chat qui pêche. Enfin... qui pèche !
 
 
Au-dessus du porche du n° 48, là où se trouve l'agence Maison rouge, deux lions vénitiens, mais l'anneau qu'ils ont dans la gueule n'est pas un heurtoir. Ou alors il faut être diablement grand... 
 
 
Il y a deux femmes nues à l'entrée de l'agence Maison rouge. Elles pourraient être soeurs jumelles nées sous le signe des Gémeaux, mais elles font penser aux sirènes, et seraient donc plutôt Poissons. Eh bien non, en fait, elles sont dans la position du symbole du Verseau. Rennes est une ville astro-pas-logique. 
 
 
 
 
 
Au 54, Minos, joli restaurant grec. La fille de Minos et de Pasiphaé avait pour nom Ariane. Elle brûla de passion pour Thésée et lui fit don, avant qu'il n'entre dans le Labyrinthe, d'un fil conducteur que celui-ci déroula afin de retrouver son chemin. [Au début de notre parcours du désir, nous pourrions peut-être prendre ici au passage le deuxième des compagnons imaginaires qui nous serviront de fil d'Ariane : Isaure Chassériau et donc maintenant son cousin Théodore, le peintre-poète. Nous les retrouverons de toute façon au bout du voyage. Et comme il s'agit de joindre des points rouges sur la carte, ils nous serviront de fil... rouge]. 
 
 Au Corsaire, les spécialités culinaires en évoquent d'autres bien particulières. Certains restaurants de Rennes ont en effet été construits à l'emplacement d'anciennes maisons closes. Le souvenir s'en perpétue ainsi à travers la carte des spécialités : celles du chef rappellent celles de ces dames.
Par exemple, ici :
La lotte à la crème d'oignons
L'effeuillé de cabillaud rôti
La sole fourrée à la chair de tourteaux
Le moelleux de chocolat à la framboise
La queue de boeuf braisée à l'ancienne
Le pigeon fermier en cocotte
Le coucou de Rennes au Chablis et raisin
La Sainte-Maure en quenelle aux noix
 
  Dans la longue discussion sur le sexe des anges, la quincaillerie de la rue d'Antrain a choisi son camp : sur le panneau central, parmi d'autres motifs de ferronnerie, c'est bien une dame qui a des ailes et qui lève les bras au bout desquels elle tient... une mésange. 
 
Quelques voisinages amusants : pas loin de l'Institut culturiste rennais, la boutique d'artisanat monastique est entourée de California Music et du Natchez (prononcer Natchèze). Sur la porte de ce café, on a écrit "tirez" mais là on ne prononce pas "tirèze". 
 
 
 
Chez Impressions, quelques images intéressantes : un amoncellement de boîtes de conserve avec notamment une reproduction de celle du "Crabe aux pinces d'or", ce qui renvoie directement à l'histoire d'Ursula Devier-Jonccourt qui est racontée par ailleurs et qui se passe rue d'Antrain à l'Oniris. 
 
Egalement un puzzle sur lequel Tintin sort de la jarre chinoise du Lotus bleu et se trouve face à une jeune femme vêtue de cuir, de bas résille et dotée d'un fouet...
 

 
Et enfin un autre tee-shirt qui dit "Approche. Viens. Viens me voir..."
 
La pizzeria au bout de la rue s'appelle : "la Petite Capri". Capri, c'est fini... Et de fait, à l'intérieur, on aperçoit un poster des sols en mosaïque de la basilique Saint-Marc à Venise. 
 
Au numéro 9, avant de tourner, le magasin Valton montre sur sa façade une statue d'Hermès (Mercure) et d'autres mosaïques signées Odorico. Au numéro 58, un mascaron au-dessus de la porte représente également Hermès : il a un peu, je dois le dire, la même tête que Chico Marx, avec des ailes sur son casque de mineur. On sent que bien que l'enlèvement d'Eurydice (au Thabor) s'est préparé dans cette rue. 
 

Rue de Saint-Malo

De la Rose mystique
Jusqu'à la Trocoquine
Il n'y a que quelques pas
Qui ne nous font même pas
Tomber de Charibde en Sylla :

En fermant les yeux, pour ne rien sentir
Madame a laissé monsieur accomplir
La volonté divine
 
Puis elle s'est mise à grossir 
Et le bébé qui va sortir 
On pourra venir le vêtir 

Chez madame Trocoquine 
Qui vend des crinolines 
Et des barboteuses aux bambines 

A la vitrine du Petit navire, il y a de sympathiques marins pêcheurs et des maquettes de bateaux. Autrefois, à ce même endroit, il y avait une boutique de sous-vêtements "Petit bateau". Mais même s'il s'agit de lingerie, cela n'a rien à voir avec la notion de désir.

"La Bernique hurlante"
"La moule rieuse"
"Le bigorneau hâbleur"
"La palourde chantante"
Et le coquillage vénusien
peint par Botticelli
Ne se trouvent pas tous dans la rue de Saint Malo
 
Au King créole, à gauche, la carte des desserts : 
Tourment d'amour 
Beignet ananas 
Banane flambée 
Coupe de glace 
Quelle douche écossaise, mes aïeux ! 
 
 

Ailleurs, dans le même restaurant, sur la même carte :
Acras de morue
Bouchon
Boudin
Crabe farci
Mise en bouche
Salades Marie-Galante
 Et si on transformait tout ça en diminutifs affectueux ? Mon acra de morue, mon bouchon, mon boudin, mon crabe farci, ma mise en bouche, ma Marie-Galante, mon tourment d'amour, mon beignet d'ananas, ma banane flambée, ma coupe de glace, ô ma doudou...
 
Pour les enfants, Isaure devrait imaginer un parcours des animaux rennais. J'y mettrais volontiers le chat du 28, rue de Saint Malo, (cabinet St-Sauveur, H. Aussant imprimeur), tous les animaux du "Maquis" : tortue, crocodile, éléphant, serpent, rhinocéros, girafe. Et deux autres girafes, celle du Matuvu, sur la place du Bas des Lices et celle dans la vitrine de la galerie Massicot, rue de l'Horloge. Et plein d'autres animaux encore... 
A la pizzeria Mona Lisa, j'ai évidemment relevé la recette de la Pizza Venise : tomate, fromage, chorizo, merguez, poivrons, origan

A la Bernique hurlante, un lapin dans un hamac vante la fête de la paresse. "1er mai. Stands, animation, kermesses, performances". S'agit-il de performances amoureuses ? L'affiche indique en effet un peu plus bas : "animation des rutoyens du monde". Personnellement je ne suis pas venu à cette fête : j'ai préféré rester au lit avec mon amie. Descendre en ville le premier mai, surtout pour une fête de la Paresse, ça me fatigue. Parce qu'après, c'est pas le tout, il faut remonter.

Le jeu du memory, ou plutôt le jeu des mariages des rues de Rennes. Certaines rues de Rennes, certains lieux de Rennes sont jumelés. Ce n'est pas qu'ils soient identiques, non. Ils sont plutôt complémentaires. Ainsi la perruque bleue dans la vitrine de Nicky, salon de coiffure afro-antillais, évoque-t-elle par sa couleur, le Chat bleu qui se trouve rue Dupont Des Loges

Au-dessus de "La moule rieuse", la mouette est silencieuse. Gaston est parti en balade avec mademoiselle Jeanne et le chat miaule sur les toits la nuit pour embêter Prunelle qui loge par ici

Un autre poème de Théodore, le cousin amoureux d'Isaure :
 
La rue de Saint-Malo 
Est un port sans bateaux : 
Dans des parfums d'Ylang-Ylang 
Mon coeur 
Y tangue 
Entre désir d'ailleurs 
Et magie de ce lieu 
Où les métissages sont heureux 
Entre la Grèce blanche et bleue, 
L'Afrique rouge, orange et jaune, 
La vodka du bar de l'Ozone, 
Les cèdres du Liban, 
Les richesses de l'Inde... 

La rue de Saint-Malo 
Est un port sans bateaux, 
Un univers au goût de mangues, 
Toute une comédie des langues... 

 
 
 

Avant de quitter la rue de Saint-Malo, dressons la liste des ouvrages qui figurent en vitrine de la Bernique hurlante : Vendredi ou les limbes du Pacifique, le jardin d'acclimatation, la symphonie pastorale, le pied, l'étoile rose, la foire aux garçons

Par-dessus, une affiche publicitaire pour le catalogue du Gai savoir représente la couverture du livre de Willy : le troisième sexe. Le Gai savoir, à mon avis, il y a une faute d'orthographe : il faudrait écrire plutôt "gay".
 
   
 
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