Charles Cros, poète et humoriste
 
     Charles Cros rencontre Verlaine en 1866. En 1868, il est de ceux qui fréquentent les mardis de Verlaine. C'est à cette époque qu'il fait ses débuts dans la poésie. Il publiera "Le Coffret de santal" en 1873. En 1908 paraît un recueil posthume, "Le Collier de griffes".  
L'héritage de sa poésie sera revendiqué par les Surréalistes. 
 

     En 1871, Charles Cros et Paul Verlaine accueillent Arthur Rimbaud à son arrivée à Paris. 

     "Voici que les présentations ont lieu. Face au cadet, l'aîné oublie de manger. Il sonde, il interroge : "Pourquoi tel mot ?" "Comment telle idée ?" C'est le créateur anxieux devant la genèse. Dialogue fragmentaire et fallacieux où mots et silences prennent une nouvelle valeur. Deux êtres sont là qui ont entrevu tout ce qu'ils ont à s'apprendre en poésie. 

     Au moment où Rimbaud arrive à Paris, il n'a encore écrit qu'un nombre restreint de poèmes. Il n'en est pas de même pour Cros dont l'essentiel du "Coffret de santal" est composé. Mais la question n'est pas là. Dans ce que chacun a écrit, il y a matière à faire réfléchir l'autre. Ainsi l'esthétique neuve de la lettre du voyant n'a pas encore trouvé son expression littéraire ; inversement, les "Fantaisies en prose" de Cros sont fruits d'une poétique qui ne s'explicite pas clairement. Tout se passe comme si le théoricien et le praticien d'une même question mettaient en commun leurs découvertes. Pure supposition ? Non, car la conversation évoquée plus haut a bien eu lieu. Elle s'est poursuivie. Durant une quinzaine de jours, Cros héberge Rimbaud. Ils se retrouvent au Cercle Zutique. Il n'est pas sûr qu'une sympathie personnelle en découle. Tout semblerait même prouver que ces deux caractères se sont heurtés. Mais il est impossible qu'ils n'aient pas, fût-ce pour les opposer, échangé leurs idées en matière de poésie." 
 
 
     André Breton : 
 
     "Les doigts de Charles Cros [...] sont aiguillés par des papillons couleur de la vie qui se nourrissent aussi du suc des fleurs mais que n'attirent d'autres sources lumineuses  que celles de l'avenir. Ces doigts sont ceux d'un inventeur perpétuel. [...] 
 
      Charles Cros a vu dans les mots eux-mêmes des "procédés", procédés qu'il a chéris au même titre que ceux dont la découverte, puis l'application, marquent les étapes du progrès scientifique. L'unité de sa vocation, en tant que poète et que savant, tient à ce que, pour lui, il s'est toujours agi d'arracher à la nature une partie de ses secrets. De là par exemple la surprenante orchestration de certains de ses poèmes en prose qui préparent les "Illuminations", de là la prouesse qu'il a réalisée de faire tourner le moulin poétique à vide dans "le Hareng saur" [...] 
 
      L'humour intervient chez lui comme sous-produit de cette "philosophie amère et profonde" que lui prête Verlaine et sans laquelle il n'eût pu socialement se résigner. Le pur enjouement de certaines parties toutes fantaisistes de son oeuvre ne doit pas faire oublier qu'au centre des plus beaux poèmes de Charles Cros un revolver est braqué." 
 
 
     Louis Aragon : 
 
     "J'ai été influencé essentiellement par certains hommes, dans la mesure où ces hommes ont exprimé pour moi, précisément, l'amour comme loi profonde de la vie ; dans la mesure où ces hommes ont aperçu au-delà d'eux mêmes une lumière en avant, lumière vers laquelle il fallait marcher quoi qu'il en puisse coûter à leur personne. Ce sont là toutes mes influences et toutes mes préférences. Sur le plan littéraire, elles expliquent le rôle joué dans ma littérature par Apollinaire, Rimbaud, Charles Cros."