CHAPITRE XVII : LA PLUME ET LE PINCEAU
10 : Les Bigoudens sont bleus...
 
 
        Marieke G., l'indicatrice, a attendu les derniers jours pour aller voir les Seiz Breur. Les Seiz Breur c'est une exposition d'art et d'histoire au Musée de Bretagne. Ah, le Musée de Bretagne à Rennes !
 
       La particularité de ce musée est bien qu'il soit le seul en France à être à la fois ouvert et fermé ! En effet, les collections permanentes de cette institution ne sont pas exposées au public : elles vont être déménagées dans le Nouvel Equipement Culturel , le fameux "NEC" dont on a entamé récemment la construction sur le cours des Alliés. Par contre l'équipe du Musée travaille activement à la mise en place d'expositions : "Instruments du diable et musique des anges", c'était le Musée de Bretagne.
 
      Il faut bien le préciser parce que le Musée des Beaux-Arts et le Musée de Bretagne se partagent le même bâtiment, 20 quai Emile Zola à Rennes. Ce qui n'arrange rien pour la clarté des choses !
 
        Marieke G. adore les musées, la peinture, les choses mystérieuses, les livres et la Bretagne. Elle s'est acheté récemment chez Maxi-Livres, rue d'Estrées, un pavé intitulé "Bretagne éternelle, art et traditions". Il y a là une superbe reproduction d'un gilet masculin de costume bigouden. Et quand on lui a donné son billet d'entrée aux "Seiz Breur" elle a reconnu le costume imprimé sur le billet mais elle a trouvé étonnant qu'on ait choisi du papier bleu pour imprimer le ticket. Du coup elle a repensé à ce détective rencontré place de Coëtquen. Elle a imaginé un titre pour ses aventures : 

        "Florent Fouillemerde et les Bigoudens bleus" !

 
        L'expo sur les Seiz Breur était bien faite. De bonnes explications étaient fournies à propos de ce mouvement artistique d'entre les deux guerres, enfin d'entre les deux dernières guerres mondiales. Des années 30, quoi ! Mais Marieke n'a pas trop aimé les objets exposés ni ce mélange bizarre des œuvres d'art et de l'histoire des mouvements autonomistes bretons de cette époque. Sans doute faut-il être Breton pour s'y retrouver là-dedans. Encore ceux-ci se sont-ils bien engueulés dans les colonnes de Ouest-France en l'an 2000 à propos de la publication dans ce journal de l'"Histoire de Bretagne en bandes dessinées" sans que les non-initiés n'y entravassent autre chose que... que couic !
 
        En sortant de l'Expo Marieke est allée faire un tour à la librairie du Musée, enfin des Musées car la librairie est commune : on trouve là des reproductions sous forme de cartes postales de tableaux du Musée des Beaux-Arts et des livres relatifs au Musée de Bretagne. Comme on était le huit janvier, elle a acheté des cartes pour envoyer ses vœux à ses cousines et cousins. Elle a choisi un "Berger jouant de la cornemuse" pour envoyer à Madeleine Lattendue, une "Femme adultère" pour sa cousine Mathilde Maudite et une "Ivresse de Loth" de Noël Coypel pour son cousin Jeff Patouseul.
 
      Et c'est en choisissant une carte pour le lieutenant Zangra qu'elle s'est retrouvée le bec dans l'eau et a vraiment pris conscience de ce qu'il y avait d'anormal sur ce présentoir. Quelque chose de si extraordinairement anormal, de si invraisemblablement anormal, de si follement anormal qu'elle n'a pu s'empêcher de prononcer à haute voix :
 
- Isaure a disparu ! 
  
        Effectivement, on ne trouvait plus, ce 8 janvier, de carte postale représentant Isaure Chassériau parmi les cartes du Musée ! 
  
        Du coup le lieutenant Zangra s'est retrouvé avec une carte de vœux représentant une "nature morte à l'écureuil".
 
 
  
        Chez elle, en rédigeant ses cartes, elle s'est interrogée.
- Si l'on ne trouve plus de cartes d'Isaure, c'est peut-être que quelqu'un vient tous les matins acheter le lot complet du présentoir ? Mais pour quelle raison ? Et puis, le préposé à la billetterie se serait aperçu à la longue de ce manège. Peut-être n'est-ce que momentané ? Quelqu'un aurait acheté le paquet pour envoyer, n fois, la même carte de vœux ? Ou alors est-ce le Musée lui-même qui aurait décidé de retirer la carte de la vente ? A cause de quoi ? J'en aurai le cœur net !
 
 
        Elle y est retournée huit jours après. Elle a signalé la disparition d'Isaure au guichetier. Celui-ci a regardé le présentoir puis il est allé ouvrir le placard dans lequel il stocke ses réserves.

- Effectivement, nous n'en avons plus ! Elle est épuisée. Je vais le signaler au conservateur.
 
        Isaure épuisée ! Marieke G. a souri. C'est vrai qu'elle n'a pas une mine terrible la fille en robe rose. Mais maintenant, carrément, voilà qu'elle est épuisée ! A croire que quelqu'un dans Rennes, par quelque procédé de maléfice vaudou, lui fait subir des mauvais traitements ! Maltraiterait-on son image ici ou là au point que celle-ci choisisse de disparaître totalement du paysage rennais ? Et le détective, que racontait-il déjà, à propos du tableau ?
 

 
        Marieke G. n'est pas retournée au musée depuis. Mais vendredi 19 janvier, elle a éprouvé une autre énorme surprise en lisant la page 15 de "Ouest-France". Comme tous les lecteurs et toutes les lectrices du journal elle a pu prendre connaissance de la nouvelle :

"Conservateur du Musée des Beaux-Arts depuis 1995, il quitte Rennes : Laurent S. part à Rouen".

        Est-ce que tous ces événements ne seraient pas liés quelque part ? Les Bigoudens sont bleus, Isaure a disparu, le conservateur part…

        Manquerait plus que la Vénus de Milo se trouve un mari !

 
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