CHAPITRE XVII : LA PLUME ET LE PINCEAU
8 : L'objet mystérieux n° 6
 

Expéditeur :  Monsieur Jean-Emile Rabatjoie

Destinataire :  Monsieur le Conservateur du Musée des Beaux-Arts de Rennes

Date :    4-07-1999

Objet : mystérieux n° 6

                                                        Cher Monsieur
 
Cher monsieur, 

Je suis assez surpris de découvrir que ma cave, dans laquelle j'ai amassé les nombreux souvenirs d'une existence déjà bien longue hélas, ma cave, disais-je, s'avère être une espèce de caverne d'Ali-Baba qui regorge de trésors muséographiques dont je ne soupçonnais pas l'intérêt. 

 
        Vous serez peut-être intéressé par le croquis préparatoire à la sculpture (?) présentée sur votre site Internet. Cette esquisse est on ne peut plus lisible et vous permettra de balayer d'un seul coup d'un seul les explications les plus fantaisistes que maints Rennais n'ont pas manqué de vous faire parvenir par e-mail envoyé à partir du micro-ordinateur de leur bureau, "il n'y a pas de petits profits" et "c'est toujours ça de pris", comme disait ma grand'mère.

        Ce qui est représenté sur l'esquisse et sur la sculpture est, bien entendu, un épisode méconnu de la vie de François-Marie Arouet, dit Voltaire. Avant de devenir le grand écrivain et philosophe des Lumières que nous connaissons tous, Voltaire dut accomplir moult petits boulots qui lui forgèrent le caractère et lui permirent de présenter, plus tard, à ses employeurs ultérieurs, un curriculum vitae des plus intéressants.
 
      On le voit ici accomplissant un C.D.D. d'intermittent du spectacle, justement à Rennes, en 1719, en fait lors des toutes premières "Tombées de la nuit". Voltaire y présentait un numéro inédit de poules savantes qu'il installait sur un mur et auxquelles il faisait picorer du pain dur puis exécuter des danses exotiques avec des plumes multicolores fixées à l'arrière du corps des volatiles.  
 
        Ce numéro est devenu un classique et fait encore fureur de nos jours à Paris (on a simplement remplacé le mur par un grand escalier). C'est en essayant de perfectionner ce divertissement que Voltaire découvrit un jour le phénomène suivant : ses poules de luxe s'étaient mises à pondre des oeufs d'or. Cela lui permit de devenir riche, d'acheter des chemises blanches dont il laissait le col ouvert et de passer à la télé pour donner son avis sur toutes les guerres des rois, et Dieu sait qu'il y en avait à l'époque, des rois et des guerres.
 
        Malheureusement pour vous, monsieur le Conservateur, l'esquisse préparatoire a atterri dans ma cave et c'est la sculpture, réalisée par Erwan-Denez Palissy, un descendant du célèbre pyromane de la Renaissance, qui est parvenue dans vos collections. C'est un fait, elle a beaucoup souffert lors de l'incendie de Rennes en 1720, et, vu son côté calciné, on a un peu de mal à reconnaître Voltaire sur cette sculpture.

        Je vous prie d'agréer, monsieur le conservateur, l'expression de mes sentiments les plus respectueux

P.S. Pourriez-vous m'envoyer les photos n° 1 à 5 dont je n'ai pas eu connaissance (vu mon grand âge et la faiblesse de mes membres inférieurs, je ne surfe que très rarement sur Internet). Sait-on jamais, peut-être qu'en cherchant bien au fond de ma cave, je pourrai encore à l'occasion vous être d'un certain secours ?
 
 
 
 
 

Le tableau ci-contre, lui aussi un peu méconnu, est un pastel de Georges de La Tour représentant Voltaire jeune avec une de ses poulettes préférées. 

On le trouve reproduit dans le manuel de Lagarde et Michard, XVIIIe siècle, en regard de la page 112. 

Qu'est- ce que c'est beau, quand même, la culture ! 

J.-P. L.

 
 

 
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