CHAPITRE XVII : LA PLUME ET LE PINCEAU
7 : L'objet mystérieux n° 7
 

Expéditeur :  Monsieur Rabatjoie

Destinataire :  Monsieur le Conservateur du Musée des Beaux-Arts de Rennes

Date :    4-07-1999

Objet : mystérieux n° 7

                                                        Cher Monsieur
 
        La crédulité des conservateurs de musées est en général assez grande et la preuve en est faite une fois de plus aujourd'hui sur Internet ! Ce serait en effet une bien grande erreur, monsieur le Conservateur, que d'attribuer à l'objet n° 7 une valeur historique, muséographique, pécuniaire, ou même sentimentale quelconque.  

        Ce gadget en banal plastique blanc était en effet offert dans les années soixante comme cadeau publicitaire dans les stations-service Shell où plus d'un Français moyen arrêtait sa 4 CV Renault ou sa 2 CV Citroën pour faire ce qu'on appelle encore de nos jours "le plein d'essence". 

        Ce marque-pages commercial est le premier d'une série de six chargée d'illustrer "l'histoire des pompistes à travers les âges". Sur son recto est représenté, assis, jouant de la flûte et attendant la diligence de 8 h 47, le palefrenier Averell Valton, digne ancêtre d'une lignée de pompistes qui tinrent de père en fils la station décorée par Odorico au croisement de la rue d'Antrain et de la rue Bonne-Nouvelle à Rennes. Le commerce qui a succédé à la pompe aujourd'hui fermée s'appelle encore je crois, magasin Valton.

 
        Nul doute qu'à l'époque où ces marque-pages furent distribués, vous aviez peut-être encore, vu votre jeune âge, du lait au bout de votre nez ! Peut-être même du reste n'étiez vous même pas né ! Peut-être bien aussi que votre papa ne s'arrêtait que dans les stations Esso pour collectionner les queues de tigre ou bien dans les stations Total afin d'y amasser les fameux points qu'on pouvait échanger contre un service de table du même métal que le marque-pages (1 plein = 1 point, 100 points = 1 assiette).

        Quoi qu'il en soit, je vous avoue que je suis bien désolé de vous détromper sur la valeur de votre objet mystérieux. Vous auriez quand même dû prêter un peu plus d'attention à la coquille représentée au-dessus du flûtiste et surtout lire l'inscription au verso de l'objet : "C'est Shell que j'aime".

        Je vous prie d'agréer, cher monsieur le Conservateur, l'expression de mes sentiments les meilleurs. Peut-être à bientôt.

                       Jean-Emile Rabatjoie

P.S. Je tiens à votre disposition, si vous le désirez, les cinq autres marque-pages de la série. Celui qui représente William Botticelli en train de peindre "Vénus chevauchant le fardier de Cugnot après avoir mangé des coquillages" n'est pas mal non plus.
 

 
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