PATRON, C'EST MA TOURNEE : Bistrots d'ailleurs :
53, Le bistrot de Marie-Louise à Tréméoc
 
 
        Marie-Louise Compès, quatre-vingt quatre ans, a la répartie prompte, de l'assurance et de la prestance. "La retraite, pour quoi faire ? Tant que je tiendrai debout et que je saurai compter, je serai là". Elle règne sur son bar-tabac et petite épicerie depuis bientôt soixante-cinq ans.  
C'est l'un des derniers commerces de Tréméoc. Ce n'est pas l'avènement de l'euro qui va la troubler outre mesure : "Quand on a connu le paquet de chicorée à deux cents cinquante francs, ce ne sera pas plus compliqué de passer à autre chose".  

        Marie-Louise a grandi dans les champs de la ferme natale. Son grand-père fut maire pendant trente-huit ans, son père lui succéda pendant dix-huit ans jusqu'en 1937. A l'âge de vingt ans, elle s'est mariée à Pierre-Marie Compès dont les parents tenaient la maison de commerce en face de l'église. 

 
        Le jeune couple s'y installa et le reprit. "Ici, on faisait tout, l'épicerie, la viande, le pain, les pommes de terre et même l'engrais que mon mari allait chercher en camion à la gare de Pont-l'Abbé. On préparait des banquets de noce avec trois cents personnes qui duraient jusqu'à trois jours. On mettait des tables partout, jusque dans le hangar à côté. Et tout ça sans électricité jusqu'en 1947 et sans l'eau courante qui est arrivée en 1968. Avant, on allait à la pompe à côté de la mairie, on cuisait tout au feu de bois dans la cheminée et dans le four à pain".  
  
     Marie-Louise a ses habitués. Le vendredi après-midi est réservé à la traditionnelle partie de belote. Ce jour là, Marie-Louise quitte l'arrière du comptoir pour aller jouer aux cartes avec les clients et c'est son fils Emile qui fait le service. 
   Le dimanche et les jours de fête, elle met un point d'honneur à porter sa belle coiffe. Il y a quelques années, elle la mettait tous les jours. "Je la porterais plus souvent, mais aujourd'hui pour trouver une repasseuse, il faut aller jusqu'à Penmarc'h".
 
        Aujourd'hui, une coiffe derrière le comptoir ne passe plus inaperçue. Mais chez Marie-Louise, on n'arrive pas en pays conquis. Lorsque des photographes lui ont demandé si elle voulait bien aller dans le jardin pour les prises de vue, elle a rétorqué : "Vous n'êtes pas bien ! Vous croyez que je vais laisser mes clients en plan". Les photographes ont insisté pour qu'elle pose dans sa cuisine. Et la réponse a fusé : "Vous allez me suivre partout comme ça ? Et pourquoi pas aux toilettes pendant que vous y êtes !".  

        Ce texte signé de Françoise Le Bris-Aubé et Françoise Boiteux-Colin est l'une des histoires racontées dans le livre "Le Monde des Bigoudènes" paru en décembre 1999 aux éditions du Télégramme. On peut consulter son site à l'adresse suivante :  

http://www.essi.fr/~nedelec/bzh/mdb/mdb.html 
 
 
 

P.S. Les trois photos extraites des archives de Jacques-Henri Casanova n'ont pas été prises à Rennes mais à Perros-Guirec en 1998.
 
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