PATRON, C'EST MA TOURNEE : Bistrots d'ailleurs :
54, Chez Paule, à Groix
 
  
        LA TROISIEME GORGEE DE CIDRE 
 
      C’est celle que l’on boit, avec un plaisir sans pareil, une fois qu’on s’est installé chez Paule, place du 19 mai 1962, à Groix, au soir du deuxième jour de ses vacances dans l’île. 
 
      On est arrivé trempé à la crêperie, au terme d’une journée de marche sous la pluie, de pauses sous des accalmies de ciel gris et on s’est pris une nouvelle saucée sur le chemin qui mène du camping au bourg.
 
      On a accroché son K-Way inondé au portemanteau dans l’entrée, posé son sac mouillé sur la chaise d’à côté et, le pantalon humide, les lunettes nettoyées, on savoure le premier verre de cidre brut, la première gorgée toute rafraîchissante, la deuxième qu’on promène en dessous de la langue et la troisième surtout après laquelle on repose son verre.
 
        Le cidre brut se boit trois gorgées par trois gorgées. On n’a jamais vu quelqu’un faire cul sec avec un verre plein et lancer dans la salle, bien fort : « Patron, remettez en un
autre ! »
 
        De toute façon, à la crêperie on sait qu’on a la bouteille pour soi, une trois-quarts pour deux qui accompagnera tout le repas. La galette de blé noir à l’œuf, au fromage et au chorizo est excellente, la serveuse est jolie, affable et adroite de ses mains.
 
       On se sent heureux d’être au sec à l’intérieur de cette maison à la façade bleu ciel, aux encadrements de fenêtres jaune moutarde et aux volets bleu outremer. 
 
       La crêpe miellée aux poires s’avère un vrai délice avec sa chantilly et son assaisonnement au Pineau des Charentes si typique de l’île de Groix.
 
       Et jusqu’à la dernière lichée de la bouteille, la troisième gorgée de cidre fera le même effet qu’en début de soirée. C’est alors qu’on s’en aperçoit de ce fait : la musique d’ambiance est un seul et unique morceau de harpe celtique dont personne ne s’émeut qu’il tourne en boucle depuis plus d’une heure.
 
       En sortant de la crêperie on constate avec grand plaisir que le soleil est revenu et qu’il illumine en plein la fenêtre de Mme Agapanthe, la fleuriste voisine. Le mur est vert olive, l’encadrement de la fenêtre est blanc, les rideaux ont la forme de petites culottes. Avec humour, sur un petit carton scotché à la fenêtre, la fleuriste a écrit : « Non, non, messieurs, ce sont bien des rideaux ». 
 
       Soudain, on est heureux d’être à Groix : le bourg est désert, quelques adolescents font la queue au « Cinéma des familles ». La lumière du soleil, douce, rasante, dorée fait resplendir des maisons aux façades jaunes, roses ou vert pistache. 
     
      Au camping, avant de s’endormir, on se lèvera une ou deux fois pour aller uriner. Troisième gorgée ou pas, le cidre est un diurétique puissant.
 
 
P.S. Si vous voulez voir d'autres jolies photos de l'île de Groix, rendez vous sur le site Photo-bonheur
 
Retour au menu de
Rennes en délires
Retour au menu 
des bistrots rennais
Précédent
Suivant