PATRON, C'EST MA TOURNEE : Bistrots d'ailleurs :
52, Le Pasadena, mon bar préféré
 
 
        Une blonde bien en corps, une brune capiteuse ou bien une rousse goûteuse ? Ici on est libre de faire son choix sans arrière-pensées. Le "Pasadena", c'est le bar le plus chouette que je connaisse. Accrochés à une hampe sur la façade vert pomme, deux drapeaux flottent au vent : le gwen ha du et la bannière étoilée.
 
 
 
        De tous les cafés de la rue du port, c'est de loin le plus fréquenté. Il y a la personnalité du patron, Loulou, un gars qui a bourlingué et qui a de l'imagination : la preuve, il est allé dénicher sa femme, Shirley, dans un motel de l'autre côté de l'Atlantique, loin là-bas, au nord de la Californie. Shirley, qui a les joues rouges et des ongles de pied peints en violet, rit tout le temps. Elle s'est bien habituée à la Bretagne. Il y a aussi Gaëlle, la jeune serveuse qui court plus vite que son ombre. Elle laisse toujours dans son sillage un suave parfum citronné.
 
          Si vous passez dans le coin, c'est le soir qu'il faut pousser la porte du "Pasadena". Quand les vieux sont rentrés chez eux manger leur soupe à la grimace. Sur le coup de dix heures, toute la jeunesse débarque et je peux vous assurer que la pression monte ! Avec un peu de chance, vous tomberez sur quelques musicos du coin qui font un boeuf, comme ça, pour le plaisir. Loulou et Shirley adorent et pour les remercier, ils leur offrent des tournées. Sur des airs de Little Richard, des couples se mettent parfois à rock'n roller dans la grande coursive qui sépare le bar des banquettes en moleskine similicuir noir. Souvent, il y encore du monde au-delà de l'heure officielle de la fermeture. Les flics ne pipent pas mot ;  je crois que Loulou a des amitiés haut placées. 
 
        Mais si vous venez au "Pasadena" dans la journée, vous serez surpris. On dirait que ce n'est pas le même bar. Les vieux marins pensionnés occupent les locaux. Et Loulou est aux petits soins. Il faut dire que ce sont les "pensionnés" qui alimentent le fond de roulement du bistrot. En semaine, ils arrivent en deux vagues : la première vers onze heures du matin, la seconde dès seize heures. L'après-midi, le "Pasadena" est totalement à eux, ils s'installent pour jouer à la belote. Parfois, ils parient.
 
 
        Gaëlle met sur la table une bouteille de rouge Père André, du 12° bien raide et des verres ballons. Chacun se sert à la demande. On parle en breton des cours du poisson, des bateaux qui sont en réparation sur le terre-plein, des accidents, des ragots du port et surtout du temps. 
 
        Les retraités essayent d'oublier qu'ils vont bientôt mourir en s'inquiétant de la forme des nuages, de l'anticyclone ou de l'humidité ambiante, et en têtant des Gauloises maïs. De temps en temps, avant le repas, ils se payent un Cassius Clay, mélange local de liqueur de cassis et de Saint-Raphaël. Quand l'un d'eux commande un Vittel Citror, on peut être sûr qu'il vient de se faire sermonner par son médecin... 
 
        Je serais intarissable sur ce haut lieu de rencontre d'un port breton que je vous incite à découvrir. Il pleut. Il faut que j'aille mettre mon linge à sécher. Salut !

                    Signé : Soaz
 
 
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