LE DOSSIER RENEZIA
11. Une escapade nantaise : la rencontre de Renezia
 
      On ne sait généralement pas comment ça marche, les universités françaises, et c’est tant mieux. Mais ça marche, et c’est tant mieux aussi. De temps en temps on peut lire dans Ouest-France des avis de soutenances de thèses. Les sujets choisis par les étudiants laissent augurer assez peu de moments de franche rigolade pour le public qui assistera à ces exposés ; c’est pourquoi la plupart des gens préfèrent aller bosser plutôt que de perdre leur temps à écouter un futur universitaire débiter tout ce qu’il a appris sur, par exemple, au hasard, « les chevaliers paysans du lac de Paladru au XIe siècle après Jésus-Christ ». On connaît la chanson ! 

     Et quand c’est une thèse de sciences Ouest-France ne prend même pas la peine de publier le titre de la thèse, de peur d’être attaqué en diffamation pour avoir écrit des gros mots dans ses colonnes ! Les titres des thèses de sciences, pour les journalistes aussi c’est du chinois ou de l’hébreu. 

     Et puis il y a l’Université de Rennes 3. Celle-là, ce n’est même pas la peine de poser des questions sur son organisation, ses ressources, ses champs de recherche. Là, carrément, on est dans le mésopotamien. Comme dit le proverbe touareg made in Saint-Sulpice-La-Forêt, « Théo 1, notre tyran, est là depuis tellement longtemps qu’il doit être né en Derthal avant Jésus-Christ ! ». 

     Ce qui est intéressant à Rennes 3, c’est le CRI et l’IFSIC : le Centre de Recherches sur Isaure et l’Institut Français de Supputations sur Isaure Chassériau. La direction de ces deux institutions est assumée par un type qui s’appelle Jean-Eudes Mirliton. Les fidèles lecteurs de Rennes en délires se souviennent peut-être de lui : il avait invité le détective Florent au bar « L’Amaryllis » Fouillemerde pour lui confier quelques pistes et puis, une fois rendus au21e étage de la tour des Horizons, tous deux s’étaient fait agresser par deux brutes épaisses dont tout laisse à penser que l’un s’appelle Dick Dracy et l’autre Mick Mac Cormick. Mais fi des romans policiers compliqués. 

     Jean-Eudes Mirliton vient d’éprouver un autre choc. Le dimanche 1er avril sa femme Sonia l’a emmené chez ses parents à Nantes. C’était le traditionnel repas de la Mi-Carême. Après le feuilleté aux fruits de mer surgelé-décongelé-microdésondé, après le gigot d’agneau et les flageolets, une fois ingurgitée la glace à la framboise meringuée au chocolat et fourrée de confiture d’orange, les beaux-parents et le couple sont descendus assister au défilé de la Mi-Carême. 

     Le défilé de la MI-Carême, à Nantes, c’est comme le carnaval des Gais-Lurons à Vitré, mais en plus gigantesque. C’est comme le carnaval de Nice, en fait. Ce ne sont pas les Nantais qui viennent défiler déguisés, ce sont en fait des chars automobiles transportant de gigantesques grosses têtes, des fanfares, des groupes de danseuses et danseurs qui s’intercalent entre les chars et tout le monde achète et balance des confettis à la tonne. C’est fameux confettis qu’on retrouve « jusque dans son lit ». 

     Un peu exprès, ou pas, Jean-Eudes a perdu Sonia et ses parents dans la foule. Il s’est posté dans un virage du parcours, pas loin de la tour de Bretagne et il a regardé le défilé de manière un peu détachée. Que son couple n’aille plus très bien, il s’en fiche un peu. Ce qui le préoccupe surtout en ce moment, c’est son boulot. Et notamment ce qui concerne le dossier Renezia. Il y aurait des accointances entre cette société secrète et l’Agence de flânerie amoureuse de Rennes dont la directrice s’appelle Isaure Chassériau. Il y aurait plus grave encore, même. 

     C’est un chercheur de l’IFSIC qui a découvert cette piste et émis cette suggestion. Est-ce par Théodore, par P’tit Louis ou par Isaure elle-même que s’établit la passerelle ? Le chercheur fait justement valoir qu’il y a quelque chose à cherche vers la passerelle des bonnets rouges, du côté de l’Agence Maison rouge et il suggère qu’on fasse des tests – une simulation, dit-il – du côté des « 3 couleurs », le café bleu et jaune du bas de la place des Lices.  

     Vous, vous n’y comprenez rien ? On vous avait prévenus que les universitaires étaient de drôles de corps !  

     Pendant qu’il réfléchit à tout ça, Jean-Eudes voit soudain débouler un groupe… phénoménal. Il bouscule alors tout le monde, se faufile, contourne la barrière de protection. Il ne réfléchit pas, il sort son appareil photo, il mitraille. 

     Il en est certain, ce sont eux ! Les membres de la société secrète ! Ils sont venus répéter à Nantes, incognito, la prestation qu’ils préparent pour les cyclades rennaises. Ce sont eux, il en est certain. Mais le voilà bousculé à son tour et le groupe est déjà loin, il a laissé la place à une troupe de rats dérisoires et déridés. Alors ils se rend compte. Quelle folie que la sienne ! Au lieu de photographier les individus masqués, que n’a-t-il tenté d’arracher leur déguisement. Qui aurait-il trouvé derrière ces masques ?

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
   
     Quelques jours après, c’est son anniversaire. Sonia lui offre un livre. C’est un album de photos prises au Carnaval de Venise. Tandis que son épouse se prépare à emmener le chien Baltazar chez le vétérinaire – qu’est-ce qu’il peut être fragile, alors, ce clebs – il tombe en arrêt devant le même costume que celui rencontré à Nantes l’autre dimanche. Le noir et blanc, avec l’ombrelle ; puis quelques pages plus loin vient la femme en rouge. 
 
- C’est quand même fabuleux, la mondialisation ! commente Sonia. Autrefois, les gens fabriquaient eux-mêmes leur costume de carnaval. Maintenant ils les achètent dans un magasin de leur ville avant de partir à Venise. Au défilé de la mi-carême à Nantes, il y avait des gens qui avaient acheté ces mêmes costumes ! 

     Sonia sort. Jean-Eudes ferme le livre ; il jette un œil sur le poster qui représente le cargo « Karaboudjan », il allume le micro-ordinateur. Dans la case « adresse » du moteur de recherche il tape : http://www.barbara-beauxseins.com. 

     Une autre surprise l’attend à cette adresse. Allez-y, vous aussi, vous n’en reviendrez pas.

 
 
 
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