CHAPITRE VI : PETITS PORTRAITS DE RENNES EN FETE
12. Les Trans(es) musicales 1999
 
 
       Sonia, son amant vétérinaire habite à l'Eperon. Elle est allée le retrouver là-bas pour passer la nuit avec lui dans son appartement, là-haut dans les sommets de Rennes, bien au-dessus de la dalle du Colombier. L'éperon, ça ferait plutôt penser à monture, cheval, cow-boy, Far West et Cie. C'est un drôle de nom pour un immeuble. C'est peut-être parce qu'il monte à l'assaut du ciel - éperon rocheux ? - qu'on l'a appelé comme ça ? 

         Quand le chat n'est pas là, les souris dansent. Jean-Eudes, le mari de Sonia, est parti faire sa cure. Ce serait bête de ne pas en profiter pour découcher. Mais ce soir, manque de bol, Bernard est fatigué. Le cabinet n'a pas désempli, sa journée a été usante. A dix heures, les voilà au lit à essayer de s'endormir. 

 
- C'est quoi ce boucan, Bernard ?
- Ca doit être les Transmusicales. Il y a des concerts au Liberté et d'ici, avec le vent, on entend bien tout ce qui se passe là-bas.
- Surtout qu'ils mettent la dose, dis donc, question boum boum, les batteurs.
- Ce ne sont pas des batteurs, Sonia chérie. C'est de la techno. Ce sont des machines qui jouent les rythmes, maintenant, dans les groupes.
- A quelle heure ça se termine ? J'aimerais bien dormir quand même.
- C'est très mal insonorisé ici, tu sais. Parfois j'entends les voisins du dessus. Ce sont des étudiants, ils font souvent la fête.

        Tourne. Retourne. Ratourne, comme on dit chez elle. Tire la couette. Transpire. Soupire. De pire en pire. Sonia ne trouve pas le sommeil. Maintenant on entend des bouteilles ou d'autres objets bien sonores qui dégringolent dans le vide-ordures. Cela fait un bruit effroyable, on dirait des paquets contenant les os d'une femme coupée en morceaux dont le mari se débarrasserait en les jetant là.

        Ensuite, c'est une série de chasses d'eau, "la fin du film sur TF1", fait remarquer Bernard.

23 h. Cela vient du palier. Au début, ce sont des petits cris féminins puis bientôt cela devient une bande sonore de film X et enfin on entend de grands râles d'extase.
 
23 h 15. Ce n'est pas possible ! Ce n'est pas une cassette vidéo, c'est une séance pour de vrai ! Le véto confirme : de l'autre côté du palier son voisin, 24 ans, a une nouvelle copine "qui est franchement expansive ou plutôt excessive dans ses épanchement, enfin tu vois ce que je veux dire, ou plutôt tu l'entends".

23 h 30. Ce n'est pas possible. Cela fait une demi-heure que cela dure. Ils vont finir par se faire mal à force. Sonia craque.
- Si tu ne veux pas y aller, Bernard, moi je vais leur dire" Elle saute du lit, furibarde, se précipite vers la porte .
- Sonia ! Enfile un pantalon et une chemise, quand même !

23 h 35. Le doigt appuie rageusement sur le bouton de la sonnette. On n'entend plus rien dans l'appartement. Il ne va pas oser venir ouvrir, ce nul. La trouille des flics ou même simplement de l'engueulade à cause du tapage nocturne.

        Finalement, elle abandonne. Mais au moment où elle va rentrer chez le vétérinaire, le jeune voisin ouvre sa porte.

- TU PEUX PAS LUI DIRE DE FERMER SA GUEULE, A TA COPINE ?" lui balance Sonia excédée. Le type est tout penaud.
 

***

- Mais enfin, commente Bernard, toujours indulgent. Ce n'est que tous les trois jours, leur cinéma. Bon d'accord, avant, avec sa copine précédente, on n'entendait rien. Je ne peux tout de même pas aller lui demander de changer de copine ?"
 

 
 
***

        Quand Jean-Eudes est revenu de sa cure, il a demandé à Sonia :
-Alors, c'était comment, cette année, les Transmusicales ?"

        Elle n'a pas répondu, elle l'a fusillé du regard et elle sortie dehors pour promener Balthazar, le chien.
  
 
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