M. Eugène Amaury-Duval
30, quai Duguay-Trouin 35000 RENNES |
M. Florent Fouillemerde
Agence Fiat Panda 4, rue des Petits-Champs 35000 RENNES |
Cher Monsieur
Au sortir du collège, je fus admis par M. Ingres au nombre
de ses élèves.
J'ai déjà raconté
cette époque de ma vie dans quelques pages de souvenirs sur mon
illustre
maître. N'ayant
alors pour but que le récit de mes rapports avec ce grand artiste,
j’avais dû mettre de côté tous les détails intimes
de ma vie de famille. Si j'entre aujourd'hui dans quelques uns de
ces détails, c'est surtout avec la pensée de faire connaître
et de faire apprécier l'esprit charmant d'une soeur qui eut pour
moi dès mon enfance une affection toute maternelle, et ne cessa
jamais de m'en donner les témoignages les plus tendres.
Ses lettres, qui seront probablement le principal attrait de ces souvenirs,
donneront de son esprit et de son coeur une bien plus juste opinion que
tout ce que j'en pourrais dire moi-même ; mais, pour les rendre complètement
intelligibles, il me faut nécessairement introduire le lecteur dans
le milieu où nous vivions. Il me semble même que je remplis
un devoir en mettant dans son jour cette existence si difficilement commencée,
supportée par ma soeur avec un dévouement, un courage, une
énergie rares, et dont elle sut vaincre tous les obstacles
sans que son esprit perdît rien de sa sérénité,
je pourrais dire de sa gaieté.
Un jeune officier du nom de Chassériau, cousin du peintre qui mourut avant l'âge et déjà célèbre, fut présenté dans ma famille à la fin de l'année 1816. C'était un engagé volontaire : parti à l'âge de seize ans, il avait été décoré à vingt ans sur le champ de bataille, et venait de donner sa démission à la chute de l'Empire. Il était difficile que ma soeur , qui, sans être absolument jolie, était pleine d'élégance et de grâce, ne fit pas impression sur le jeune officier, et que, de son côté, la jeune fille ne fût pas bien vite touchée au coeur par la bonne humeur et l'entrain, peut-être aussi par les épaulettes et la décoration du soldat. |
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Le mariage se fit. La dot, médiocre de part et d'autre, ne
permettait pas une longue inaction - Chassériau, qui avait bon désir
de se créer une position lucrative, chercha assez longtemps, et
se décida, d'après les conseils de mon père, à
entreprendre en librairie un essai qui peut-être eût réussi,
s'il eût été tenté par un homme mieux organisé
pour le commerce.
Cette entreprise, qui fut connue un moment et fit même un certain bruit sous le nom de Dépôt bibliographique, consistait à réunir dans un vaste local tous les livres dont les possesseurs voulaient se défaire : c'était une vente perpétuelle comme celles qui ont lieu à la salle Silvestre, avec la facilité, pour chacun, de visiter, à son jour et à son heure la collection, dont tous les ouvrages portaient le prix demandé. |
Cette catastrophe n'abattit pas le courage de Chassériau : il s'embarqua
quelque temps après pour l'Amérique méridionale, où
il allait chercher la fortune, et où
il ne trouva que la mort.
La prochaine fois je vous parlerai d'Emma Chassériau qui fut, vous le savez peut-être, la maman d'Isaure. Promenez vous bien dans Rennes, c'est une ville qui vaut le coup d'oeil. |
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