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On y croit !
L’étudiante n’a pas voulu admettre l’existence de Jean-Eudes Mirliton. Et pourtant le directeur du CRI et de l’IFSIC de l’Université de Rennes 3 porte bien ce nom-là. - Il y a aussi un M. Canard à la galerie de zoologie de l’Université de Rennes 1 ! Et une mademoiselle Breton à la tête de la chorale du Cercle celtique ! » Voilà ce qu’on aurait dû lui répondre. Mais quand on a l’esprit de l’escalier on laisse dire et on fait bien. Le voilà, en chair et en os, Jean-Eudes Mirliton, ce jeudi matin, chaussures de randonnée aux pieds, sac au dos, tenue décontractée, prêt à participer à la journée du sport de l’Université de Rennes 3 en effectuant une randonnée de treize kilomètres vers Hédé. |
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Il
est arrivé en avance avec sa voisine du 5ème. Le bus n’a
pas encore pointé son nez et sur le parking les nombreuses collègues
de Jean-Eudes sont là à poireauter et papoter.
- Pourvu qu’on n’ait pas le même temps que l’année dernière ! - Et que le parcours soit moins difficile ! Il y a eu des endroits, tu te souviens, où il a fallu remonter nos pantalons pour traverser - Cette fois-ci, moi, je ne le remonte pas, je l’enlève carrément - Waohh ! J’ai bien fait de venir, il va y avoir du spectacle - Où c’est qu’il est Jean-Paul ? |
Lorsque le bus arrive, la pluie se met à tomber. Le troupeau universitaire
ne se précipite pas pour autant vers l’arche de Noë à
roulettes. A l’entrée du car une charmante blonde pointe les noms
de ceux qui montent. Elle a bien du mal à trouver celui de Jean-Eudes.
- M.
Mirliton… Vous faites partie de l’UFR Bombarde et biniou ? Ou du service
des langues de belles-mères ?
- Non, tenez, je suis là. - Ah non, ça c’est Jean-Paul, pas Jean-Eudes. Ah, vous voilà ! M. Mirliton. UFR des partis sans laisser d’adresse. Vous pouvez monter. - Il est
pas venu ton patron ?
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Enfin, « comme disait la Cicciolina quand elle trouvait que les préliminaires
avaient assez duré », le troupeau s’ébranla.
Dans la foule des joyeux randonneurs, Jean-Eudes a retrouvé madame
Caffi, la bibliothécaire du Centre de folklore et de cuisine bretonne.
Ils cheminent ensemble sur le chemin boueux en évitant de glisser
dans les grosse flaques des ornières.
- Comment va votre chorale Isabelle ? - Où c’est qu’il est, Jean-Paul ? - Moi , si je pouvais recommencer, je ferais choriste à l’Opéra. Devant, derrière, partout le long du chemin de halage, toute l’Université échange dans la gadoue des menus propos qui constitue la preuve que R.T.T. peut rimer avec convivialité. |
La pause déjeuner dure une heure au cours de laquelle on discute,
on rit, on se photographie, on casse du sucre sur le dos des absents. A
ce petit jeu-là les filles de l’UFR de vulgarité novatrice
sont les plus fortes.
- Tu le connais pas, lui ? Tu perds pas grand chose. Il est gros con de chez Gros con ! Evidemment, celtitude universitaire oblige, on se remet à danser en cercle après le café au son de l’accordéon et de la bombarde. |
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Allons bon, dit la petite voix. Le monde est vraiment très petit. Tout le monde connaît tout le monde à Rennes.
- Il a
demandé à s’appeler comment maintenant ?
- Chassembrouilles.
C’est joli, vous ne trouvez pas ? Et vous, du haut des Horizons, vous n’avez
toujours pas retrouvé Isaure Chassériau ?
- Un
chercheur n’est jamais pressé de trouver. Trouver, pour un chercheur,
ce serait perdre sa raison d’être !
- Alors
cherchez bien !
Au bout de la randonnée, il y a cet endroit où Jean-Eudes
est déjà venu, en été, pendant le Festival
de poche. Une guinguette, juste avant qu’on ne retrouve la route qui monte
vers Hédé, les parkings, les tables de pique-nique et les
bouts de pelouse où toutes ces dames s’étendent afin de digérer
les treize kilomètres qu’elles viennent d’accomplir.
- Ah je vais pas m’asseoir sur cette bitte, elle est trop grosse pour moi ! commente une petite rousse de l’UFR de vulgarité novatrice. |
Jean-Eudes et Isabelle poursuivent le circuit en boucle jusqu’au pont et
s’en reviennent auprès des péniches stationnées sur
l’autre rive.
- Il est rigolo, le Chinois, sur son buffle ! - Aussi chauve et girouette que Brice Lalonde ! - C’est qui , Brice Lalonde ?
Ils rejoignent le groupe. De ci de là, on entend encore et toujours
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Isabelle a remis une affichette à Jean-Eudes. Elle organise une
dernière soirée de lecture avec musique à la maison
de quartier de Villejean le 25 avril 2002 à 20 heures 30.
Cela
s’appelle « Tiramisu et mandoline ». C’est consacré
à l’Italie.
- Elle
a bien fait de me dire que c’était la dernière. Je vais y
aller pour une fois ! » commente la petite voix intérieure
de Jean-Eudes.
- C’est
pas à Rennes 1 et Rennes 2 qu’ils organiseraient des journées
comme celle-là ! commente quelqu’un. Ils sont bien trop sérieux
dans ces universités-là ! »
- Il s’appelait
Ippolito ! Tu peux le chercher sur Internet ! » commente la petite
voix intérieure, sur un ton plus que malicieux.
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