Mme Alice Pangon-Liddell
Le Château
72300 SABLE-SUR-MER
Vitré, le 29 mai 2000
Ma chère Alice
J'étais encore à Rennes l'autre jour et je me suis rendue aux étangs d'Apigné pour la fête de l'Y d'Ille. L'Y d'Ille est une yole qu'un charpentier de marine et des jeunes d'un chantier d'insertion ont construite avec leurs petites mains. Une espèce de grande barque "à l'ancienne". Sa mise à l'eau sur l'étang d'Apigné a été l'occasion d'une grande fête de quartier... ailleurs que dans le quartier de Maurepas où est né le projet.
Quand je suis arrivée, il faisait un temps superbe. Après
avoir traversé le brouillard constitué par la fumée
des galettes-saucisse, je me suis arrêtée au pied du podium
où un groupe de musiciens de tous âges interprétait
tout le répertoire de... Dario Moreno ! Je ne sais pas si la yole
Y d'Ille ira à Rio - elle doit déjà participer à
Brest 2000 - mais en tout cas, on ne l'appelle pas "La Marmite" et on sait
où elle habite (A Maurepas ! Ayez pas peur ! Alle est gentille !
A mord pas !)
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Je m'étais postée là un peu trop tôt, sans doute.
Dans mon dos, sur l'estrade, sont montées six ou sept personnes
et le présentateur a annoncé que chacune d'elle prendrait
la parole et ferait un discours. Gasp ! Mon voisin immédiat a eu
ce commentaire en forme de brève de comptoir :
- Ah
non, pas de discours ! C'est ce qui a perdu la France !
N'empêche, on a dû se farcir tous les remerciements, les félicitations, les politesses d'usage. Heureusement, pour nous faire patienter, l'Association des boscos de Maurepas, organisatrice de la fête, avait eu la bonne idée d'organiser, dans le même temps, à Saint-Jacques de la Lande, un meeting aérien. Ce qui fait que nous avons pu admirer des vieux coucous et des forteresses volantes qui passaient au-dessus de nos têtes ou à notre horizon. |
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Jean Baron et Christian Anneix, les redoutables sonneurs bretons, traversèrent alors la foule et s'approchèrent de la yole. On ouvrit une bouteille de champagne et on répandit son contenu sur la tête des badauds les plus proches puis sur la yole elle-même. On but le reste de la bouteille, car ce n'est pas beau de gâcher en Haute-Bretagne, pays dont la devise est "Jette pas ça ! Ca peut encore servir !"
C'est bizarre les baptêmes bretons. Moi je pensais qu'on fracassait
la bouteille contre la coque dans ces cas-là, comme on fait avec
les bébés pour vérifier s'ils ont le crâne solide
ou non - un Breton doit avoir la tête dure ! -. Sans doute
a-t-on craint que la bouteille ne se montrât plus dure que la coque
du bateau !
Comme quoi mon voisin, avec son discours sur les discours...
Mais non, Alice, je te charrie, je rigole. C'eût été
trop drôle ou surtout trop malheureux. Elle était encore là,
la yole, radieuse, chamarrée de tous ses drapeaux, qui flottait
sur l'étang sous les applaudissements, sous les avions et sous la
pluie battante.
Ils sont allés ensuite serrer la main d'un monsieur à cheveux blancs et à lunettes, sans doute le prochain acolyte avec lequel ils comptent s'associer pour enregistrer leur nouvel album. Il faudra qu'il se laisse pousser les cheveux et qu'il change de look, d'ici là, ce musicien-là : il ressemble par trop au maire de Rennes, M. Edmond Hervé !
Le meilleur est venu après... et j'ai failli le rater ! En effet, j'attendais que la chorale montât sur la scène mais elle ne monta pas. En fait j'appris, tout à fait par hasard, que la suite de la fête avait lieu près de l'auberge et donc je m'y rendis.
Je m'arrêtai d'abord près d'un cercle de chanteurs et chanteuses occupés à envoyer "Le grand meetinge du Métropolitain", tous les moyens de transport étant ainsi réunis aux étangs d'Apigné ce jour ! Très bien, très décontracté, parfaitement mis en place. Des gens avec des looks de lecteurs de Libé, des têtes à fréquenter le Local anarchiste rennais. Vraiment très sympa et très bon esprit.
Plus loin, les Boscos de Maurepas s'étaient joints à la chorale
de La Chapelle des Fougeretz et faisaient retentir leur répertoire
de chants de marins traditionnels. Avec notamment les versions non expurgées
du "Capitaine de Saint-Malo" et de "Jean-François de Nantes", mimées
fort comiquement par un accordéoniste enjoué autant que talentueux.
Je suis restée jusqu'à la fin et me suis même insérée
dans le groupe pour chanter ces refrains que tout le monde ici connaît.
J'ai mitraillé à nouveau les barques, retraversé le
champ de jeux bretons et de galettes-saucisses et puis je suis retournée
vers le Moulin du Comte en longeant la Vilaine. Je n'ai pas rencontré
l'âme sœur ce dimanche, mais c'était quand même une
belle fête que la fête d'Y d'Ille aux étangs d'Apigné.
Je t'embrasse. A très bientôt.
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