CHAPITRE III : NOTES DE PARCOURS DE P'TIT LOUIS
4. Notes prises pour rédiger le parcours du désir (4)

 
Description du trajet :

Départ : Arrêt de bus rue de l'Horloge
On descendra la rue de Rohan, traversera les quais et au lieu de continuer dans la rue de Nemours, on ira prendre à droite la rue d'Argentré, la rue de la Chalotais, et la rue Lanjuinais. On tournera à gauche sur le boulevard de la Liberté, on fera une incursion de quelques pas dans la rue de Nemours puis on traversera le boulevard devant les halles pour rejoindre la cabine téléphonique.
Arrivée : La cabine téléphonique à l'angle du boulevard de la Liberté et de la rue du vieux     cours

Rue de Rohan

Nous laissons à notre gauche, entre "Impulsion", "Studio aventure" et "Divergence" le quatuor très roman-photo de "Marie et les garçons". On pense au grand méchant loup et aux trois petits cochons. Lequel de ces jolis trois petits minets Marie va-t-elle croquer ? Kevin l'homme de paille, Dylan qui fait flèche de tout bois, ou l'inestimable Jean-Eudes ? Laissez béton. A mon avis, elle va se les faire tous.

Rue d'Argentré

Sur le quai Lamennais, on pourrait inventer l'histoire des deux personnages Renaissance sculptés sur la porte à deux battants du n° 5. Mais ils semblent si renfrognés, tous les deux...

Pas grand chose non plus rue d'Argentré. Difficile de désirer, de délirer ou de fantasmer sur "Cuir et traditions", "Ar kizell coiffure", "Ar pillig", crêperie, Yvert et Tellier (ah bon, c'est là qu'il est, maintenant, le club échangiste rennais ?). Peut-être y a-t-il quelque chose à faire avec le gros bouddha hilare qui trône "aux délices d'Asie". On pourrait peut-être commencer par faire la liste des magasins qui contiennent le mot "délices" dans leur nom ?

Rue de la Chalotais
 
 
A droite, le dimanche matin, le soleil donne en plein sur les rideaux de la Boîte à rire. Sur celui de droite se trouve un joli clown coloré. Sur celui de gauche, un quatuor de joyeux fêtards : il y a là un trompettiste, un homme nu qui joue du tambour et une jeune femme assez dénudée elle aussi. Sans doute ont-ils passé la soirée au Bacchus qui n'est pas loin. Personne dans le quartier ne semble s'être plaint du bruit de leur orgie. 
 
 
A côté, chez monsieur Michel Martin, il faut admirer la poignée de la porte. Il s'agit d'une grande clé, car ce monsieur est quincailler-serrurier. On peut commencer ici, si l'on veut, une collection de clé de ceintures de chasteté ayant appartenu à des épouses d'ogres. Celle-là, même si elle est de bonne taille, ne sera pas la pièce maîtresse de notre collection ! 
 

Sur le trottoir d'en face, chez Jean-Louis Gallon, une belle enseigne de serpent. A coupler, au jeu de memory, avec l'enseigne de pomme du "Verger", rue Jules Simon.

Dans la vitrine d'à côté, on peut lire le début d'une histoire bizarre : "Ces derniers temps, il avait remarqué que le téléphone sonnait beaucoup moins. Sa perruche était devenue beaucoup moins bavarde. Etait-elle malade ?... Des experts sont à votre écoute".
Il ne s'agit nullement d'une histoire de suspicion, d'adultère, de détective privé, d'écoutes téléphoniques. Ce ne sont que des publicités pour "Entendre, déficience auditive". Nous sommes en effet chez Audioson.

 Le bout de la rue de la Chalotais, c'est un peu "Etonnants voyageurs", le festival de littérature de Saint-Malo. Outre le Bacchus, mentionné plus haut, on y trouve "la Source du Liban","Au p'tit mousse" (très belles enseignes), "le Quai ouest", le salon de coiffure "Infini-tifs" et surtout le bistro "la Table des matières" sur la façade duquel il est écrit "la cave se rebiffe".

Rue Lanjuinais

La boutique de Fred Templier s'appelle l"Ecran". L'enseigne est constituée d'une paire de ciseaux ouverts, les pointes vers le bas, et il faut espérer qu'elle ne se décrochera pas brutalement le jour où vous passerez dessous, car ils semblent lourds et pointus. L'écran est un salon de coiffure, mais le maître des lieux crée aussi des bijoux pour les défilés de Christian Lacroix. En vitrine, il y a une femme qui me plaît : elle est faite tout en grillage et à la place de ses yeux, le coiffeur créateur a mis deux miroirs carrés, ce qui me permet de caser ici un autre poème de Théodore :
 
Le miroir à deux faces 
Je m'y regarde et je t'y vois 

Si je le tourne je m'efface 
Et tu n'entends plus que ma voix 

Si tu t'en vas elle se casse 
Et ma carcasse reste coie 

Le miroir à deux faces 
Je n'y vois que ce que je crois 

Je ne veux pas rester de glace 
Je préfère porter ma croix 

 
 

Une autre sculpture sympathique figure une femme de métal dont seuls les seins et les pieds sont en terre cuite. Derrière encore, on voit une robe de velours rouge avec des seins en forme de poires très pointues.
 
 
On trouve également à l'Ecran un mur peint qui évoque, de façon un peu décalée, le Festival de Cannes. Des projecteurs sur une plage, un type avec une caméra, une fille avec un sein dénudé, mais les personnages ont un air étrange, halluciné (alu-ciné ?), un peu comme les belles dames des toiles de Paul Delvaux. 

De l'autre côté de la rue, le bar-restaurant "la Calèche" a une enseigne vert blanc et rouge. Assez bizarrement, c'est la dame en rouge dans la calèche qui tient les rênes, tandis que l'aubergiste lui tend un plateau.

Boulevard de la Liberté

Sur le trottoir d'en face, au numéro 39, officie Yvonne Roze... Yvonne Roze, c'est une agence matrimoniale. Sur le prospectus publicitaire, on lit qu'"elle a la plus longue expérience du matrimonial de la région" ! Qu'est-ce que ça veut dire, la plus longue expérience matrimoniale de la région ? Elle a fêté ses noces d'or, cette dame-là ? Le bureau de cette officine d'union et de mariages est situé, à Rennes, 39 boulevard de la Liberté ! Il y a une annexe à Saint-Malo 40 boulevard des Ta(u)lards ! 10 numéros plus loin sur ce même boulevard officient 3
sexologues ! Enfin tout ça, c'est ce que raconte l'annuaire de 1997. Au n° 49, on ne trouve que des plaques de psychologues.
Ajoutons qu'en tournant à gauche, nous trouverons, tout au long de notre parcours des instituts de beauté et des salons de coiffure à foison.

 Chez Jalm coiffure, derrière une boîte aux lettre allemande très décorative, on trouve la mention : "champion du monde de coupe sculptée". Au burin et au marteau ? Plus loin dans la rue de Nemours, le glacier Laloue est également sculpteur sur glace. Entre les deux, il y a Jeff de Bruges et surtout l'"Italie gourmande" qui prend tout son éclat vers 11 heures du matin les jours ensoleillée : une vue sur Santa Maria della Salute en jaune et vert avec gondoles au premier plan.

Quand Rennes est sous la pluie
Bruges est sous le déluge
Mais Jeff n'est jamais seul dans la rue de Nemours

Dans Rennes, comme à Bruges,
Sa vitrine est fournie
Et le chocolat blanc est bon pour les amours

Quelle surprise ! C'est bien lui dans la vitrine ! Le bureau de M. Casanova ! J'allais souvent lui rendre visite à ce vieux monsieur qui habitait dans la rue de Brest autrefois. J'ai d'ailleurs dans ma cave une valise pleine de documents qui lui ont appartenu et dont il m'a fait cadeau. C'est assez miraculeux de retrouver son secrétaire, tel que je l'ai toujours vu, avec les soutien-gorge débordant de tous les tiroirs, dans la vitrine des "Dessous du chapitre". Je suis sûr qu'il serait heureux de voir ça, s'il était encore là, ce vieux fétichiste de Casanova !

Ceux qu'il préférait, le Casanova de la rue de Brest, c'étaient les noirs pleins de dentelles et aussi, à cause d'une demoiselle qu'il avait rencontrée et séduite sur la passerelle homonyme, ceux qui avaient des bonnets rouges. Je crois qu'il ne serait pas resté insensible ce jour, d'une part en retrouvant son vieux bureau, mais aussi en admirant le modèle noir à pois blancs porté par la jeune femme sur la moto. A la Bernique hurlante, je ne sais pas si le propriétaire de la moto aurait été en état de dire quoi que ce soit en voyant un bolide pareil lui faire l'honneur de chevaucher sa trottinette. En tout cas bravo Lise Charmel ! (Je ne sais pas si c'est le nom de la fille, le nom du soutien-gorge ou le nom du fabricant de lingerie)

Dans la rue de la Monnaie, on peut chanter, jouer de la guitare, faire la manche, les gens ne donnent jamais rien. Mais boulevard de la Liberté c'est pire : c'est toujours "Rennes sous la pluie".

Un petit moment d'émotion, au Saphir. Parmi les boîtes à bijoux et les figurines en porcelaine de ce magasin d'antiquités, une vieille horloge est surmontée d'Isaure et Théodore, sculptés à son sommet. Lui est assis et dessine ou écrit sur une grande feuille. Il tourne son regard vers elle qui a posé ses deux mains fort amoureusement sur son épaule droite. Une image de bonheur dans la ville.
L'étiquette avec le prix est tournée vers l'intérieur du magasin, je ne sais pas combien vaut cette horloge. Si je l'achetais, je ne sais pas où je la mettrais chez moi : je n'ai pas la cheminée de marbre, le sofa moelleux et les tableaux de maître qui vont avec cet objet-là. Mes enfants et mon épouse m'en voudraient certainement beaucoup de dépenser ainsi l'argent de la famille à des stupidités.
Bref, je vais encore être raisonnable. Je reviendrai dimanche prochain avec une autre pellicule et je photographierai Théodore et Isaure. Défense est faite à tous les Rennais, à toutes les Rennaise, de venir acheter l'horloge d'ici là.

Petit à petit, les voitures du mariage quittent la place de la Mairie
Mais quand elle retrouvera son voile tout chiffonné dans le petit matin
Alors la mariée ouvrira la fenêtre et respirera l'air du boulevard de la Liberté

Flic en Flac, rue de Penhouet
Rennes sous la pluie, boulevard de la Liberté
En Bretagne, il ne pleut que sur les cons, dit le proverbe.
 
 
 
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