Mlle
Venise Voloscenkov
33,
rue de Sévigné
35500
VITRE
Vos renseignements sont exacts, même si, pour ma part, j'ignore qui a pu vous raconter aussi précisément ces faits qui commencent à dater. J'ai effectivement assisté Mlle Isaure Chassériau dans son entreprise d'agence touristique rennaise. Le jeudi était alors jour de congé pour les enfants et Mlle Isaure faisait parfois appel à moi pour que je serve de guide dans certains de ses parcours.
Aujourd'hui encore, je ne sais si je dois révéler les motivations, les désirs des clientes de l'agence que Mlle Isaure m'a confiées. A vrai dire, cela était très mystérieux pour moi et l'est resté. J'ai trouvé très jolie la formulation que vous avez relevée dans ce "brouillon du parcours du désir" : "Quel était le désir secret de la vieille dame que l'on a vue un jour guidée par une petite fille ?".
En fait, suivant qu'il s'agissait d'une dame ou d'une demoiselle, le parcours
différait. Je ne me souviens plus bien aujourd'hui de la topographie
de la ville de Rennes que je n'habite plus, mais je peux vous dire que
je faisais faire aux demoiselles le parcours de l'ange et aux dames celui
de la maternité. Le premier passait dans toutes les églises
et aussi devant la banque populaire de l'Ouest et devant un café
de la rue Saint-Michel où trois angelots "profanes" étaient
sculptés sur les façades. On s'arrêtait sur la place
de la Mairie et bien souvent, après la lecture de ce texte, "Un
ange passe", que vous avez retrouvé dans les archives, les demoiselles
me payaient un tour de manège. Pourquoi ce parcours se terminait-il
au cimetière du nord ? Peut-être à cause du cimetière
des enfants, en bas à gauche ? Plutôt en fait à cause
de la tombe en mosaÏque colorée de la famille Odorico. Une
espèce de leçon d'optimisme et de dignité.
Etait-ce là quelque chose d'emblématique pour ces deux parcours ? Le fait de ne pas avoir d'enfants pour les vieilles demoiselles, le fait de voir les enfants grandir et partir pour les vieilles dames ? A Vitré, vous le savez peut-être, du fait de Mme de Sévigné, nous sommes très sensibles à ce deuxième thème. D'être guidées par une enfant dans les rues de Rennes donnait-il à ces personnes le sentiment d'une maternité (re)trouvée ? Ou d'une enfance provisoire ?
Pour en revenir à Mme Elsa Venezia dont vous avez trouvé le nom sur le livre dédicacé à Isaure, je ne puis vous dire grand chose de plus. Elle m'avait offert à moi aussi un exemplaire de ce livre, en remerciement de la tournée des vierges, ou des anges, je ne sais plus. Le livre est très beau, il s'agit de la "Bible" de Boubat, et en le feuilletant, j'ai retrouvé une jolie image de maternité, une photo prise à Bethléem en 1954.
N'hésitez pas à me rendre visite si vous en avez la possibilité. Le contenu de cette valise, les archives d'Isaure et vos… motivations m'intéressent.
Je vous prie d'agréer, cher monsieur, l'expression de ma plus vive
curiosité.
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |