CHAPITRE XVIII : DES PARCOURS A N'EN PLUS FINIR
7, Patatourisme boucle 1
 

        Il n'est pas question de mettre là-dessous un parcours qui mènerait de la rue Parmentier au restaurant "Un amour de pomme de terre" qui se trouve place Rallier Du Baty. Ce patate-tourisme-là ne serait du reste pas désagréable non plus à pratiquer. Suffit d'avoir la frite !
 
        Le patatourisme est encore une invention de Joël Henry. Il s'agit d'un parcours qui fait référence à la pataphysique et plus précisément à la spirale qui orne la bouzine du fameux père Ubu d'Alfred Jarry. Cornegidouille ! A partir d'un point de départ, on parcourt la ville en tournant toujours dans la première rue à droite (ou à gauche) et en veillant à ne pas repasser deux fois au même endroit. C'est un parcours qui s'avère riche en surprises. Mais où situer le point de départ de la spirale ? 
 
S'il faut trouver un point central 
A la spirale 
Ce sera forcément, et ici point ne galégé-je 
La place du manège 
Ou plutôt la place de la Mairie 
Qui sera le début de notre flânerie 
 
Soit. On fera donc arrêt sur cette jolie place et on admirera la mairie et l'Opéra :
 
        Sur la façade de la mairie, compter les mascarons : ce sont les petits visages sculptés sur la façade au-dessus des portes et fenêtres. On s'étonnera de voir qu'il y a là autant de visages de femmes que de visages d'hommes. La parité n'a donc pas été forcément inventée par Lionel Jospin pour les municipales de 2001. Ou alors c'est que Rennes était déjà en avance d'un métro lorsque ce bâtiment a été édifié. 
 
         On pourra s'étonner du calendrier du père Ubu affiché sur l'aile droite du bâtiment. Surmonté d'un coq bien gaulois, il représente un soleil doré, quelques chandelles vertes pour porter de l'ombre sur les symboles du zodiaque. Sans doute tout cela est-il plus astro-nomique qu'astro-logique. En tout cas, c'est bien joli . 
 
 
        En face de la mairie, il y a l'opéra. On ne reviendra pas sur l'aspect dérive des continents de cette place, la forme concave de la mairie étant susceptible d'épouser celle de l'opéra convexe. Un peu comme l'Afrique et l'Amérique du Sud, vous voyez ? 
 
         On admirera, au sommet de la partie ronde du bâtiment les statues de quelques nobles polonais qui se sont réfugiés là pour éviter que le père Ubu ne les fasse passer dans la trappe à nobles de la scène 2 de l'acte III d' «Ubu roi ». Leurs congénères malchanceux sont tombés quant à eux "dans les sous-sols du Pince-porc et de la chambre à sous où on les a décervelés". Il s'agit là, on le notera, d'une allusion pas très fine aux travaux du Val qui ont été effectués ici lors des Tombées de la Nuit 2000. La chambre à sous représentant à la fois le tunnel du métro et les impôts locaux des Rennais qui l'ont financé, le pince-porc faisant allusion à l'expression « cochon de payant » et la pompe à phynances évoquée plus loin dans le texte étant représentée par le clocher de la mairie, tout proche.
 
        A l'intérieur de l'Opéra on notera que l'escalier est peut-être en colimaçon et surtout que les danseurs bretons de M. Lemordant, au plafond, sont en train d'exécuter une ridée à huit temps, danse particulière au cours de laquelle les danseurs, la main dans la main, enroulent sur elle-même la longue chaîne qu'ils constituent de manière à dessiner... une spirale. Si vous n'avez jamais vu ça, allez donc au prochain "Yaouank" au Liberté ! 
 
       Tout au long du trajet, on pourra essayer de comptabiliser les spirales que l’on rencontrera : complètes, incomplètes, tournant dans le sens des aiguilles d'une montre, dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, etc. On sera étonné de la présence en grande quantité de cet élément décoratif dans la ville. Présence insidieuse et pourtant inefficace : personne, à part quelques promeneurs pervers, ne fait plus attention aux côtés ubuesques de la ville. 
 
        On trouve donc place de la mairie, au-dessus d'Orcade et de "Café coton" nos premières spirales. Elles donnent naissance à des ouïes de violons sourds. Un poil de baroque pour compléter l'illusion de Bohème donnée par le clocher à bulbe de notre Hôtel de ville. 

        A côté, chez Dolita, six spirales de fer forgé jaune entourent les mots lingerie et broderie. 

 
        Notre premier virage à droite nous fait emprunter la rue de Brilhac et gagner la place du Parlement. Vous pouvez admirer l'édifice-phare de la ville de Rennes sur votre gauche et également lever le nez pour contempler les mascarons sur votre droite. L'un d'entre eux représente la mère Ubu. Pour moi c'est le neuvième mais on peut en décider autrement.
 
         En passant devant la librairie Le Failler, admirez les poignées de portes : elles sont en forme de livres d'or mais personne n'a rien écrit sur leurs pages ! 

        Nous tournons à droite dans la rue Edith Cavell. Ce parcours patatouristique nous emmène dans des rues fort sympathiques et nous permet une visite de Rennes particulièrement poétique. On ne va pas d'un endroit à un autre, de la Tour Eiffel aux Folies Bergères en passant par les bateaux mouches et la salle de la Joconde au Musée du Louvre, 

comme font tous les Japonais. On va en suivant un chemin tout tracé qui a l'avantage de couvrir plus largement - plus étroitement aussi ! - la ville. Un peu comme une toile d'araignée couverte de rosée, photographiée à contrejour dans le matin, et qui semblerait recouvrir le soleil.
 
        Et dans cette rue Edith Cavell, la porte cochère de la Poste du Village n'est pas moins admirable que celle du Parlement ou celles de la Mairie. L'enseigne et la façade du magasin Pêcheur d'images semblent aussi jolies que celle de Pierres de Lune, plus bas dans la rue. Le gant vert sombre qui sert d'enseigne à la chapellerie est soutenu par des spirales doubles. En face, à l'agence du théâtre, joliment éclairée, on retrouve le motif.  
   
  
  
 
  
 
 
 
 
Un coup d'oeil sur l'enseigne de l'Encrier et sur la vache dans la vitrine de Made in Breizh  et nous voilà rendus chez Ici-même, librairie de bandes dessinées, et sur la petite place sans nom où se trouve la fontaine de Parmiggiani. Des oiseaux silencieux - ils sont peints sur le mur - bercent la muse rimbaldienne : la belle Ophélia flotte comme un grand lys. 
        Il n'est pas défendu de s'asseoir sur l'unique banc de cette petite place pour y lire le sonnet du bain du roi Ubu.
 
        On repart ensuite vers les quais en empruntant la rue Baudrairie. On admirera là la façade de l'Ibiza bar, et les spirales colorées qui entourent le nom du café. A côté, chez "Planète Loisirs" Super-Mario" avec sa casquette et sa moustache pourrait très bien être une représentation moderne du père Ubu. Le petit personnage bleu qui l'accompagne s'appelle Sonic. Je m'étonne de connaître ça alors que je ne joue pas à des jeux vidéo et que je ne lis plus les pages "jeux et jouets" du Catalogue des 3 Suisses depuis des années déjà.
 
 
 
        On admirera le heurtoir de la porte de l'hôtel de Lys, devenu "la maison du conseil, Lilou Alliance, Ausmann Compagnie immobilier promoteur constructeur". Ausmann ! On n'en finira donc jamais avec la lignée des barons aligneurs ? 

        Les personnes qui n'auraient pas ce livre dans leur bibliothèque peuvent s'arrêter chez Maxi-livres pour acheter "le père Ubu" d'Alfred Jarry dans la collection à 10 francs. On pourra aussi s'arrêter chez Forum sur les quais, dont on remarquera la marquise soutenue elle aussi par des spirales, et on achètera là "Tartarin de Tarascon" dans la collection Librio (10 F également). 

 
 
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