CHAPITRE XVII : LA PLUME ET LE PINCEAU
Texte 105 : L'amant d'Isaure Chassériau
 
 
       Mais où donc s'est échappée l'énigmatique Isaure Chassériau ? Moi, Florent F, détective privé de l'agence Fiat Panda, après deux années de recherches approfondies et de filatures dangereuses, je suis en mesure de vous révéler que la belle aux bandeaux de jais, emportée par son admiration pour un poète est allée le rejoindre en secret dans sa garçonnière. L'amour, l'amour ! Elle avait alors vingt ans, l'âge de toutes les folies ! 
 
 

        Mais qui donc est ce mystérieux faiseur de rimes ? Je vous le donne en mille : c'est une des gloires de la poésie française. Il vécut une jeunesse pleine d'espérance et de désillusions dans la bonne ville de Rennes.
 
       Voici en guise d'indice, quelques informations le concernant extraites d'une conférence donnée le 31 janvier 1943 par G. Collas, doyen honoraire de la Faculté des lettres de Rennes, in  "Conférences universitaires de Bretagne. 1942-1943" éditées par la section bretonne de l'association Guillaume Budé. (Les documentalistes et poètes apprécieront).
 
        Il y avait à Rennes dans la jeunesse étudiante des catholiques qui se flattaient de concilier leur foi avec un idéal résolument démocratique et hardiment social. Parmi eux vint se ranger en 1838, un jeune créole de la Réunion qui n'avait pas la foi, mais flirta cependant un instant avec le christianisme qu'il devait pourtant violemment maltraiter dans sa maturité. Sa famille l'envoyait dans la capitale bretonne pour faire son droit. Il avait trouvé à Rennes, dans la maison de son correspondant, le brasseur Liger, un petit groupe lamartinien dont la soeur de son hôte, mademoiselle Eugénie, était la muse. 
Mlle Eugénie Liger
 
       On y faisait beaucoup de vers et le jeune homme rêvait d'en publier, avec son ami le clerc de notaire Julien Rouffet, un recueil sur le titre duquel ils n'arrivaient pas à se mettre d'accord. La mauvaise volonté des éditeurs résolut le problème. Et les jeunes apprentis poètes de se consoler en vitupérant contre le mercantilisme du siècle et en envoyant quelques vers au "Foyer", petit journal rédigé par des étudiants.   

        Notre créole, apprenti juriste sans vocation et sans assiduité, ne conquit en six ans que la moitié de son diplôme. Mais il dirigea une revue, "La Variété" où ses articles de critique et ses poèmes ressortent parmi la pauvre production de ses collaborateurs. Deux pièces en vers retiennent l'attention : "Lelia dans la solitude" et "Ode à Lamennais". Ce dernier poème salue le prisonnier de Sainte-Pélagie comme le prophète des temps nouveaux. 

 
      Cette déclaration de libéralisme dut effaroucher le public bourgeois et bien pensant rennais auquel s'adressait "La Variété" puisque peu de temps après cette parution, la revue mourut. Pendant deux ans encore, le poète malheureux lutta contre l'adversité, s'aigrissant de son obscurité, jusqu'au jour où, le coeur ulcéré, il se résigna à regagner provisoirement son île de l'Océan indien.

 
 
        Contrairement à certain bar breton au nom exotique, ces informations sont parfaitement fiables puisque de sources universitaires, s'pas ? 

        Copies des sources sur demande écrite avec enveloppe pour la réponse. Le timbre qui se trouve en document joint est la réponse à la devinette. 

                            Soaz 

 
 
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