LES POEMES DE THEODORE CHASSERIAU
26. Chérie je t'aime, chérie je Thabor
 
 
Il fait un dimanche de peintre et par derrière Saint-Melaine 

Les chevalets se sont par miracle dressés. 

Les imaginations s'en donnent à cœur joie 

Et Notre Dame a pris parti de supporter 

Les joueurs du Stade rennais. 

Le rouge et le noir lui vont bien 

Au teint 
 
 
 
 

 
 
 
Le kiosque a ses admirateurs. Ses piliers rouges, ses dorures, son chapiteau en arrondis prennent à l'eau de l'aquarelle, en compagnie des verts plus francs, des jaunes vifs, des allures de temple exotique et l'on ne s'étonnerait pas qu'y danse quelque vahiné ou que sur une plage proche s'en viennent déferler les vagues de la mer
 
 
 
Sur le banc fraîchement repeint j'aurais presque envie de m'asseoir. 

Les feuilles rousses de l'automne, le sable jaune, le calme du jardin, comment tout cela n'a t-il pas encore détourné Hermès de sa mission de gardiennage ? 

Ne peut-il relâcher un moment Eurydice, qu'elle vienne s'asseoir un peu à mes côtés et regarde jouer les enfants ? 

Je promets de ne pas regarder en arrière.  

Ah, seulement sentir à nouveau son parfum… 

Hélas les Dieux d'ici ont tous un cœur de pierre.

 
 
 
On ne voit pas, sur le tableau, que le chien a les pattes cassées 
Que la biche est fourbue et Diane sérieuse. 
On n'aperçoit aucun lecteur devant les serres 
Et les enfants ne trempent pas leurs avant-bras dans les fontaines. 

Les jardins français, en longue enfilade, sont vus de cet endroit toujours si ombragé où l'angelot joufflu étrangle dans ses bras une oie du Capitole qui l'a réveillé cette nuit. 

Sommeil léger, cœur lourd, querelle de voisinage 
Tandis que tremble, à l'arbre,  
Une feuille volage, 
Indifférente au paysage

 
 
 
Le grand père et l'enfant derrière le rideau 
Derrière le rideau du jet d'eau 
Derrière le rideau de l'appareil photo 

Est-ce moi qui pose nu ? 
Est-ce sur moi qu'ils posent leur regard ? 
Quel trait de mon visage rectifie-t-il 

Quel secret d'un seul coup devenu volatile 
Captent-ils de leur crayon agile ? 

Le grand père et l'enfant… 

Derrière le rideau du jet d'eau 
Le modèle a bougé 
Juste le temps d'appuyer, de déclencher 
La tête s'est penchée 
Et la photo n'est pas loupée : 

Derrière le rideau de l'appareil photo 
Les arroseurs sont arrosés

 
 
 
Quelqu'un nous dira-t-il encore
les voyages que font les roses ? 
Quand elles voient les toits, là-bas, de Saint-Vincent, 
Rêvent-elles Toscane ou Florence ou plus loin ? 
Connaissent-elles ce que leur nom porte de charge émotionnelle ? 
Entendent-elles sortir du camaïeu de bleus 
La musique du gong et le parfum du thé ? 

Ombrelle, pont de bois et kimonos de soie : 
Le Thabor, un jardin japonais?

 
 
 
Le Thabor est en fait un jardin africain 
Il a le silence des girafes et leur élégance lointaine. 
Il est une jungle touffue et innocente 
Où ne courent que les enfants, de cache-cache en balle au camp, 
De balancelle en toboggan. 
Et pour les grands  
Il y a, au pied des baobabs, ces petits bancs 
Où l'on s'assoit pour déclarer aux jouvencelles 
Maints serments loin du jeu des mômes 
Qui font voir le ciel et la vie en rose
 
 
 
R  êver d'un jardin éternel et pour cela tailler la pierre : 
 
A  fin d'y sculpter des radis. 
 
D  essiner chaque jour un légume ou un fruit, 
 
I   nstaller sur la place publique, afin que le monde sourie, 
S   on savoir faire et sa radis-cale folie 
  
  
  
N.B. Saluons Ar Furlukin, ci-contre, et les peintres anonymes qui ont bien voulu offrir en partage, ce dimanche de fin septembre 2001, leur vision du Thabor.