VIEUX SOIR (1997) / Jean-Marie Flemal
 
Impassibles 
parmi les voix fantomatiques des feuillages 
et les frémissements des rayons du soir 
ce ne sont pas les souvenirs qui défilent 
mais comme des compagnons nouveaux 
hésitants et inconnus 
qu'il faudra mettre à l'épreuve 
des strates du futur 
des brumes anxieuses 
des eaux plus fraîches qui sans cesse reculent 
et qui clapoteront brusquement sous les pas 
au plus éperdu des douloureuses errances 
 
Impassible 
humble et tranquille 
ce silence sera sa propre semence 
lorsque sans le moindre obstacle 
le soleil achèvera sa course lisse 
en flottant un instant au bord de l'eau 
non pas rougeoyant mais d'un blanc d'albâtre 
et que le brouillard remontera le flot 
pour soustraire à la nuit ces étendues 
qu'il couvre de sa bénédiction 
 
Impassible 
c'est une paix 
où ne se meuvent nulle vie nulle mort 
comme un souffle en allé de son âme 
ou le néant qui tourne sur lui-même 
possesseur unique de mondes 
qu'il fait et défait à sa guise 
      
Impassible encore 
c'est l'ineffable et l'indicible 
qui se multiplie et se démesure 
et qui irise à l'infini sa perception 
comme pour se distraire un peu 
d'être unique 
 
Impassibles 
quand la nuit recommence ses calculs 
en déplaçant sans un signe 
ses paramètres obstinés 
 
Impassibles 
les rochers du détroit 
que la lumière frappe encore un instant 
au plus tendre des rétines