CHAPITRE XVIII : DES PARCOURS A N'EN PLUS FINIR
12, Un parcours vénitien dans Rennes (organisé par l'association "Renezia")
 
 
        Le rendez-vous est fixé devant le bar l'Amaryllis, place du Bas des Lices. Le petit parquet de bois rappelle par trop ces embarcadères pour vaporetti que l'on trouve à profusion dans la cité des Doges. Stationner un moment pour attendre les retardataires. En profiter pour admirer les cheminées "à l'Italienne" de la maison qui fait face. Elles ont en effet la texture et la forme d'un pantalon d'Arlequin, un jour où celui-ci aurait mis par mégarde sa culotte à l'envers. 

        Quand tout le monde est là, le groupe se met en marche, traverse la rue pour aller admirer la vitrine des "Antiquités des Lices" puis passe sur le pont Bagoul et s'arrête chez le fourreur du quai d'Ille et Rance.

 
        Plutôt que les poupées Barbies vêtues de manteaux de fourrure originaux dans la vitrine, on admirera le heurtoir à la porte de cette maison. Il représente bien sûr un lion. 

        Le parcours vénitien nous entraîne, dans un itinéraire évidemment un peu labyrinthique, au long des canaux et rivières de la ville de Rennes. On tâchera, à chaque fois que c'est possible, de rester au plus près de l'eau. Il est cependant assez dangereux de traverser le quai d'Ille-et-Rance à ce  
niveau : contrairement à Venise où ne circule aucune voiture, un flot continu de bagnoles émerge de dessous le pont Bagoul et ce, en général à toute blinde, biture ou vitesse (rayer la mention inutile en fonction de votre niveau de langage, SVP). 

 
        Il sera pourtant intéressant, pour les plus audacieux, de descendre le petit sentier et de longer le canal juste sur le bord jusqu'à l'écluse. Là on trouvera, en guise de puits (posso) une jolie fontaine rustique à laquelle on pourra  s'abreuver si l'on veut ou se passer de l'eau dans le cou si on effectue le parcours un jour d'été. Si on décide d'une pause cappucino, il faut aller en face, au café "la descente de Plélan" mais ce serait dommage, déjà, de s'arrêter : on vient de marcher tout au plus cent mètres ! 
  
        On traverse le mail Francisco Mitterando et face à l'écluse du mail on descend le petit escalier pour être en mesure de tremper la main dans la Vilaine
 
        On gagne ensuite le quai Saint-Cyr où se trouvait jadis, face à la péniche "Larbredo" une palissade de bois blanc décorée d'une inscription géante "e pericoloso sporghersi" destinée à prévenir ceux d'entre vous qui sont tombés dans la Vilaine qu'il ne fallait effectivement pas se pencher trop pour mettre la main dans l'eau.
 
        On longe ensuite le grand canal en direction du campanile qui se profile à l'horizon. Le baladeur remis pour la visite de Renezia peut-être mis en route à ce niveau. Rien ne vaut en effet, pour accompagner votre admiration des palais majestueux construits sur chaque rive du grand canal, l'écoute du concerto le moins connu mais le plus sympathique de tous ceux qu'à écrits Antonio Vivaldi, dit le Prêtre roux, à savoir celui qui porte le n° 16 dans la nomenclature de Marc Pincherle et qui est joué par deux mandolines, deux théorbes, deux flûtes, deux bassons, deux violons "in tromba marina" et deux violoncelles. L'andante central notamment est une page superbe.
 
        Vous laissez derrière vous la place d'Italie rennaise, celle qui est ornée de statues de Vénus et de Diane qui en font voir… de toutes les couleurs, et vous arrivez bientôt à la Riva del Vin où sont amarrées les gondoles rennaises. Une pause à la "Movida" vous permettra de déguster une "Lavazza", spécialité de café léger de haute-Bretagne. Contrairement aux gondoles vénitiennes qui sont généralement noires et anonymes, les gondoles rennaises portent des noms sympathiques : Cenomane, Moise, Giaccoma, San Polo, Brise des nuits. Il sera amusant, face aux aspects bucoliques du paysage offert à votre regard, d'écouter "La Tempesta di Mare", concerto pour violon opus VIII n° 5, de Vivaldi, toujours, à moins que vous ne préfériez la version pour flûte de l'opus X n° 1.
 
        A l'intérieur de la soucoupe volante sise le long du campanile, vous admirerez la réplique de l'escalier en colimaçon du palais Contarini del Bovolo. 

        Il y avait autrefois ici un garage Ferrari orné d'un magnifique modèle peint sur la totalité du mur de façade, ancêtre des modernes "graffs" ou graffiti qui fleurissent à différents endroits de Rennes et qui ne sont d'ailleurs pas toujours forcément moches.

 
        Sur la maison voisine, on a peint des "ragazzi". Ce sont des jeunes voyous des années soixante dont la débauche principale consistait premièrement à se trémousser au son de guitares électriques qui faisaient "ploïng ploïng" de chanteurs sirupeux qui criaient "yé yé" et secondo à rouler sans casque sur des scooters Vespa même pas volés ! 
 
        Des distractions fort innocentes finalement mais qui faisaient frémir d'horreur à l'époque les tenants d'une démocratie-chrétienne-austère (DCA !) et propre sur elle, comme par exemple la grand-mère de Christina Broutini qui continue de se retourner dans sa tombe chaque fois que sa petite fille écoute les Beatles de nos jours.
 
 
        Traversons le pont Robert Schuman. Nous arrivons à la Punta della Dogana (pointe de la douane). Ce lieu est ainsi nommé parce que c'est ici le confluent de l'Ille et de la Vilaine. Au moment de leur union, on leur a demandé si elles n'avaient rien à déclarer. Elles ont répondu "lasciarli nella Pax" ce qu'il ne faut pas traduire par "fichez nous la paix" mais par "on veut bien signer un pacs pour couler des jours heureux ensemble". On rencontre ici assez souvent, comme à Venise, des pêcheurs à la ligne qui tournent le dos à la ville.
 
        Sur la rive gauche du grand canal on admirera le reflet du campanile et le palais Chaffoto-Mori reconnaissable à sa façade à pans de bois non découpés. La pause musicale ici conseillée sera effectuée au son du concerto pour violon "Il cucu" ou du concerto pour flûte "il cardellino". On peut aussi se rabattre sur le "Printemps" des trop fameuses "Quatre saisons". Le tout est encore de Vivaldi mais on ne le précisera plus par la suite.
 
        Retraverser ensuite l'avenue Louis Guillu au niveau de l'allée Geoffroy de Ponte Bianco, homme de guerre mort en 1346. Se diriger vers la cabine téléphonique proche du magasin "Tampons du Mail". On s'engage alors sur un chemin de gazon qui fleure bon l'aubépine tout au long de l'Ille. Nous empruntons ensuite la passerelle Pailleto sur notre gauche et nous trouverons dans le grand jardin public de Saint-Cyr qui se trouve derrière, en cherchant bien, un endroit fort émouvant de Renezia : le cimetière des sœurs de Saint-Cyr aux prénoms pleins de poésie. Soeurs Marie Angélique, Marie-Jéromine, Marie de Sainte-Dorothée, Françoise de Sainte-Angèle…
 
        La promenade dans ce jardin vaut bien la déambulation dans les jardins de la biennale qui sont tout à l'Est de Venise. On pourra même, si on fait le tour du parc en longeant les massifs revenir sur les bords de l'Ille en empruntant un sottoporteggio (portique) aménagé dans le mur du parc. 

        On aura alors, assis sur l'un des deux bancs, une jolie vue sur le quai d'en face et sur un autre campanile qui se reflète lui aussi dans l'eau du rio (petit canal).

 
        On remontera l'escalier à gauche on traversera la rue Papu, on passera sur le pont et devant le palais ocre jaune on cherchera le "portique de l'ostéopathe" (cavalletto dell' osteologo). 

        On admirera la plaque rouge indiquant que la sonnette se trouve derrière vous, qu'il faut appuyer sur le bouton et tirer la porte en même temps. Etant donné qu'il y a plus d'un bon mètre entre le bouton derrière et la porte devant, si on se fait une élongation en bloquant la porte avec le pied et en enlevant son doigt de la sonnette, ce n'est pas grave. L'ostéopathe va vous arranger ça tout de suite.

 
        Sur notre chemin le long du rio nous rencontrerons un autre escalier en colimaçon, un pont à trois arches façon Canareggio et enfin nous pénètrerons dans le ghetto de Rennes. Ghetto, en italien, signifie clapier. C'est en effet ici qu'on entasse des clampins dans des cages à lapins, les uns au-dessus des autres, ce qui explique la hauteur des immeubles environnants.
 
        Nous traverserons la rue de Brest et continuerons de longer la rivière le long de l'allée Sylvestre de La Guerche jusqu'à cet autre endroit magique, près des arcades du couvent des visitandines fondé en 1641, là où se trouvent un puits, un jardin public et un magnifique prunus dont la couleur rose au printemps rappelle à peu de choses près les tons de la robe d'Isaure Chassério, la première des guides-conférencières de la ville de Rennes à qui nous devons l'idée de ce parcours vénitien dans Rennes.
 
        Nous vous suggérons de terminer ce parcours par un repas à la pizzeria la Notte, rue des Innocents, pas très loin, vers laquelle on reviendra en longeant le canal d'Ille et Rance. 

        Vous pouvez aussi effectuer ce parcours avec le costume que vous portiez à la mi-carême de Nantes. Ca étonnera sûrement les gens que vous croiserez sur votre chemin mais justement… c'est bien d'étonner les Rennais !

 
 
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