CHAPITRE XVIII : DES PARCOURS A N'EN PLUS FINIR
10, Isabelle à Paris
 
 
Mme Isabelle Caffi 
Hôtel Borgne 
Rue Rude 
75008 PARIS 

     Paris, le 10 septembre 2001 

                      Mon cher Florent, 
 

        J’ai vite refermé la fenêtre de bois vermoulu et, bien qu’il fît encore jour, j’ai tiré les rideaux. La chambre est au quatrième étage d’un immeuble d’angle « à la Tardi ». L’escalier colimaçonne cradement. La douche n’est pas plus engageante. Je me suis demandé si je n’allais pas faire demi-tour. Mais bon. Cela aurait été trop compliqué de chercher un autre hôtel à cette heure-là dans Paris. D’autant qu’à l’autre bout de l’échelle sociale c’est certainement mieux mais c’est pas donné : au Saint-James, dans le 16e, la chambre est à 2100 F la nuit et le petit déjeuner continental à 120 F.

Image empruntée au site 
des éditions Casterman
 
         Je me suis douchée, j’ai accroché mes vêtements sur les cintres et je suis ressortie.

        C’est assez drôle, finalement, cet hôtel ancestral tenu par un couple de Russes dans ce quartier populaire de Paris. Pas loin il y a la rue de Rome mais ça ne change rien : c’est vraiment pas Byzance !

        J’ai raté l’embranchement de la rue de Vienne, du coup j’ai pris celle de Madrid et j’ai enfin trouvé la rue de Saint-Pétersbourg. Sur mon plan, elle s’appelle rue de Léningrad mais la mairie de Paris a jugé bon de rebaptiser cette artère pour tenir compte des dernières évolutions de l’histoire. Ce qui est drôle, c’est qu’on arrive bientôt place de Clichy où l’on trouve un panneau indiquant la direction de… Stalingrad !
 
Courez vite découvrir 
Bernard Dimey !
       Je voulais passer rue Lepic pour revoir le Lux-Bar et me souvenir à nouveau de Bernard Dimey mais j’ai finalement pris la rue Caulaincourt et je l’ai quand même retrouvé, le géant de Montmartre, sur le pont du même nom : 

        « Le seul pont de Paris, c’est le pont Caulaincourt » a-t-il écrit. Celui-là enjambe non la Seine mais le cimetière de Montmartre !

 
       J’ai tourné à gauche dans la rue Pierre Dac. Elle non plus ne figure pas sur mon plan – mon plan date d’il y a vingt ans ! – mais elle est un peu comme la rue des Minimes à Rennes : personne n’y habite car elle est trop courte et surtout celle-ci est beaucoup plus en pente : il s’agit de fait d’un escalier de Montmartre sis entre deux pignons de maisons dont la façade donne sur la rue Lamarck en contrebas. J’ai continué tout droit dans la rue de la Fontaine-au-but puis tourné dans la rue Marcadet. 
Courez vite retrouver 
Pierre Dac !
 
        Quelque part à droite j’ai laissé la rue des Saules dont Aristide Bruant parle dans la chanson « Rose blanche » :

« Son p’tit fichu sur les épaules,
elle rentrait par la rue des Saules,
rue Saint Vincent »
 
        J’ai tourné dans la rue du Mont-Cenis, je suis arrivée devant Notre-Dame de Clignancourt et j’ai un peu tourné avant de trouver « ta » rue qui est un peu sur le côté. La jeune femme peinte à la devanture de la boulangerie t’aurait peut-être plu : elle est très XIXe siècle. Plus loin, il y a un marchand… d’oreillers ! Est-ce que ça constituera une piste pour toi ? Sur le trottoir d’en face il y a un coiffeur antillais. Plus loin, on passe devant un café dont la décoration intérieure est constituée de photos noir et blanc d’acteurs des années cinquante. Qu’est-ce que j‘ai vu  
encore ? Un assureur, une école, un théâtre, le Sudden théâtre si j’ai bien retenu.
Image empruntée aux pages jaunes
 
 
Image empruntée aux pages jaunes
       Le plus intéressant pour toi, c’est la synagogue. Sur sa façade, derrière les grillages qui la protègent des attentats et des tags antisémites, il est écrit : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». 

        Est-ce que ça veut dire quelque chose pour toi ? Et le café, est-ce bien normal qu’il s’appelle le « Saint-Isaure ». Saint S-A-I-N-T. Une histoire de travestis ? La rue, j’ai vérifié, s’appelle bien rue Sainte-Isaure. 
 
 

 
        Voilà, c’est le plus que je peux faire pour toi. Je suis sortie du stage WINIBW trop tard pour que la lumière soit encore bonne et du coup tu devras te passer de photos. Tu pourras aller voir celles de l’annuaire Wanadoo sur Internet..

        Ah si, j’oubliais. Je suis revenue en métro. Il y avait dans la rame une jeune fille en blouson de cuir orange avec des bas résille mauves, une coiffure à la garçonne genre 1920 et beaucoup de maquillage autour des yeux. Très mignonne, genre clone d’Amélie Poulain, mais l’air très inquiet. Elle est descendue à la station Abbesses et je suis sûre et certaine qu’à ma place tu l’aurais prise en filature.
 
       Ensuite un accordéoniste est monté dans la rame avec un magnéto ampli monté sur un chariot de courses écrase-pedibus genre mamy du marché des Lices. Il a joué une musique très très gaie pour ensuite faire une manche très très triste. Puis il est passé dans le wagon suivant et quand je suis descendue à Saint-Lazare il terminait « Le temps des fleurs » et entamait « Les yeux noirs », deux chansons russes que je suis en train d’apprendre pour notre soirée lecture du 18 octobre.
 
        Allez, je te laisse. Je voudrais lire un peu Zochtchenko avant de retourner demain me’adonner aux joies du logiciel WINIBW.

        Je t’embrasse

                      Isabelle

P.S. Dans cet hôtel minable, c’est comme dans la chanson de Renaud : les W.C. sont sur le palier ! La chanson s’appelle Germaine, mais le prénom est interchangeable et on pourrait la chanter comme ça aussi :
« Ghyslaine, Ghyslaine, une java ou un tango
C’est du pareil au même pour te dire que je t’aime
Et que j’t’ai dans la peau »

Tu peux essayer aussi avec Isaure ! Non, j’rigole !

 
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