CHAPITRE XVII : LA PLUME ET LE PINCEAU
Texte 110 : Les cousins d'Isaure Chassériau
 
 
 
              Bonsoir,

        Bravo pour votre site qui est de plus en plus intéressant, même en dehors de notre commune curiosité pour Isaure Chassériau. J'ai bien aimé les portes de Rennes. J'aimais bien Isaure, mais depuis que je la vois sur internet je trouve que l'oncle Eugène ne l'a vraiment pas ratée.
 
       Comme vous l'a écrit Eugène, son père dit Amaury Duval avait été diplomate à Naples avant la révolution, puis à Rome, j'aimerais savoir s'il avait été à Naples en même temps que Vivant-Denon... J'aimerais savoir comment cela marchait entre eux. L'un dirigeait le Louvre et l'autre le bureau des beaux-arts... 
Vivant Denon
  
 
     Le général Belliard
        Duval avait été un apparatchik de la culture sous le directoire et le consulat, il connaissait tous les idéologues et avait prêté la main à la "Décade philosophique". Mais Napoléon ne lui permit pas de faire carrière et sous la restauration il continua d'être dans l'opposition avec la "Revue encyclopédique". Cela explique sans doute qu'Emma Antigone ait connu beaucoup de monde dans les milieux "éclairés". 

       Je ne sais ni où ni comment Emma avait rencontré Adolphe Chassériau, protégé du général Belliard, plutot mal en cour en 1816. L'oncle Victor-Frédéric Chassériau, chef d'etat-major de Belliard, avait été tué à Waterloo. 

 
      Après le mariage, le beau-père Duval décida Adolphe de se lancer dans l'édition, ce qui, après des tentatives courageuses (Montaigne, Charron, Helvetius, Dupuis, Histoire de l'inquisition, etc...) ou peu raisonnables (Théatre complet des latins), s'est mal terminé. On en trouve encore des vestiges sur internet. Il y a à la Bibliothèque historique de Paris un "Mémoire à mes juges" de Chassériau Adolphe, libraire, qui essaie de se défendre dans son procès ainsi qu'un long inventaire de la saisie du Dépôt bibliographique. Après quoi Adolphe disparaît et on n'entend plus jamais parler de lui. Eugène écrit (je l'avais oublié) qu'il était parti vers l'Amérique du Sud chercher fortune. Mais laquelle ? A l'époque, il a pu se rendre en Argentine où le général Brayer était encore actif si je ne me trompe.
 
       A moins, hypothèse plus amusante, qu'il n'ait cherché à rejoindre son cousin Benoit Chassériau, le père de Théodore, qui cherchait fortune entre la Colombie de Bolivar et les Antilles (voir le gros livre de Benedite sur Théodore Chassériau qui raconte longuement les aventures de la famille Benoit) et chercha toujours fortune dans la région. Agent secret de Chateaubriand ministre des affaires étrangères, consul aux iles Vierges, puis à Porto-Rico où il mourut. Existence d'aventurier mythomane et pathétique. Ce Benoit Chassériau avait commencé par l'expédition d'Egypte (d'où je vous écris), puis il suivit l'expédition Leclerc à Saint-Domingue, où il épousa une héritière créole et resta jusqu'à ce que les Anglais l'en chassent. Il fut quelque temps associé à Bolivar (il y a une lettre de Bolivar adressée à ce Chassériau sur internet). 
Bolivar
 
        En tout cas Adolphe en est sûrement mort puisque Emma se remarie peu après avec un sac d'écus, notaire parisien, Guyet Desfontaines, gros personnage élu député sous la restauration de juillet. Emma en profite pour se faire un salon à Paris sur lequel je ne sais pas grand chose, sauf qu'il devait y avoir Thiers et Mignet et bien d'autres juste milieu.
 
        Les cousins Chassériau étaient nombreux et plutôt aventuriers. Théodore était le plus flamboyant. Un autre [Charles-Frédéric] fut architecte de la ville d'Alger où il construisit le front de mer et fit fortune. Son fils Arthur Chassériau (ci-contre) consacra cette fortune à constituer une collection des oeuvres de son oncle Théodore, dont il fit don au Louvre, désormais richement doté en dessins et peintures dudit Chassériau. Une exposition Chassériau est prévue en février 2002. 
 
        Dans l'entourage d'Emma il y avait une autre intéressante cousine côté Chassériau, Louise Swanton, fille de Marguerite Chassériau, à moitié irlandaise par son père, James Swanton, colonel au régiment de Berwick (voir sur internet le site de la famille Swanton), devenue Belloc par son mariage avec le peintre nantais Jean-Hilaire Belloc. Enthousiaste et traductrice de Byron, elle provoquait l'admiration de Stendhal par sa beauté, mais comme lui dit un ami "tu perds ton temps, elle fait l'amour avec Mlle Clark" (voir quelques mots dans je ne sais plus laquelle de ses oeuvres autobiographiques). Naturellement elle se disputa avec Mlle Clark et se maria, sans renoncer à ses amours saphiques si j'ai bien compris, mais avec Adélaïde de Montgolfier avec laquelle elle fila (je crois) un parfait amour pendant quarante ans. Louise Belloc écrivit beaucoup dans la revue encyclopédique dont le père Duval était un pilier. Elle fut une étoile littéraire de l'époque 1820/30, qui s'éteignit dans la littérature pour enfants (50 titres dans Opale BNF). 
Madame Belloc, sa fille et le peintre (Paris, Musée du Louvre)
image empruntée à la base Joconde
 
        Michelet le grand etait un ami intime de cette famille Belloc. Le nom de Belloc est bien plus connu par ses rejetons britanniques : Hilaire Belloc, écrivain polygraphe anglais, catholique réactionnaire, ami de Chesterton, marin, voyageur à pied, poète, député, journaliste, historien, etc... et Elisabeth (1) Lowndes-Belloc, romancière abondante qui inspira un film de Hitchcock - ne me demandez pas lequel je l'ai oublié (2) -, qui sont les petits enfants de Louise Belloc. 
(1) il s'agit en fait de Marie Belloc Lowndes 

(2) le texte original "the lodger" peut être téléchargé ou lu sur internet) Une autre adaptation de cette nouvelle a donné lieu au film "Jack l'éventreur"

 
        Une des filles de Louise Belloc, cousine d'Isaure donc, épousa un financier nommé Redelsperger, dont j'ignore la descendance. Mais savez-vous que la première femme de Gaston Gallimard s'appelait Yvonne Redelsperger, dont parle Valéry je ne sais plus où et pour qui Jacques Rivière eut une passion ? Ce serait amusant et sans doute pas improbable que ce soit la même lignée, et que les archives Gallimard aient quelque chose, mais ça doit être bien gardé... Mais internet ne dit rien sur cette Yvonne...

        Si je me souviens bien il y a un fonds Amaury Duval à Autun où il y a beaucoup de documents un peu disparates.
 
 
P.S.     Je n'ai pas trouvé le portrait d'Adolphe... Quant aux deux soeurs, bien entendu il s'agit d'Aline et Adèle Chassériau, cousines d'Isaure, belles mais pauvres, admirable tableau qui prend encore plus de sens devant le portrait d'Isaure, et mortes seules je crois, l'une à Bordeaux pendant la guerre de 1870 et l'autre peu avant, seule aussi.

        Tout cela fait un tissu assez romanesque dans lequel il reste des trous énormes, ça pourrait s'appeler "les cousins d'Isaure", mais à part vous je crois que ça n'intéresse personne. Bravo encore pour votre site.

        Bien à vous

                        Cousin Frédéric

 

 
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