Chapitre XVI : LE ZOO RENNAIS
Texte 108 : L'arche de Noë
        Il y avait ceux qui voulaient protéger l’anonymat d’Isaure Chassériau et ceux qui étaient prêts à tout pour la débusquer … et éventuellement chasser de la ville une femme aussi légère.

        Ils invitèrent Noë, le gardien du zoo d’une ville voisine à les aider. Celui-ci n’était pas vraiment pressé de céder ses “ trésors ” comme ils les appelaient et surtout pas les plus perspicaces car, dans son for intérieur, tout ce mystère lui plaisait bien.

        En rentrant par la route de Saint Malo, il céda d’abord une moule qui se tordait de rire (ou de manque d’humidité, nul ne sait vraiment) puis une bernique qui rit jaune beaucoup plus vite.
 
     Ce premier épisode clos très vite, il céda quelques canards et quelques lapins. Mais ceux-ci ne s’avérèrent pas plus dangereux  pour Isaure que les moules et les berniques. Car ils n’avaient qu’une idée : aller jouer avec les enfants dans les magasins d’habits de la rue Pont-aux-Foulons. Isaure pouvait continuer à vaquer à ses occupations, les canards et les lapins choyés par les mamans ravies d’une si bonne compagnie pour leur progéniture avaient tout à fait oublié leur rôle de détective.
 
        Noë sentit frémir l’impatience de ses commanditaires. Il comprit qu’il fallait faire agir des animaux plus agiles et moins prêts à se lier d’amitié avec les patients. Il songea alors à sa collection de singes et de griffons qui, c’était certain, sauraient escalader murs et remparts pour suivre les faits et gestes d’Isaure. Six douzaines de chaque feraient l’affaire, c’était certain. Il décida d’un point de ralliement où échanger une moisson d’infos contre un peu d’herbe.
 
       Hélas … c’était compter sans la nature espiègle de ces animaux. Ils escaladèrent la façade et les contreforts de l’église du Vieux Saint Etienne et n’en descendirent plus que le lundi dans la nuit, entre deux heures et trois heures pour se nourrir, tout en respectant l’environnement, il va sans dire. Un désastre pour Noë car, c’était l’heure ou il ressortait des portes du Paradis toutes proches. Il n’avait pas la tête à discuter ! Quant à eux, il leur fut impossible de fournir la moindre indication sur les allées et venues d’Isaure, vu qu’ils avaient passé leur temps à essayer de faire parler les gargouilles. Mais celles-ci restaient de pierre. 
 
       Noë craignit que le contrat ne soit rompu à son désavantage. Il se résigna à prêter quelques uns de ses plus fins limiers aux détectives. Il revint à Rennes avec trois girafes. Il en confia deux au patron du Ichtar rue de Saint Malo et il se dirigea avec la plus grande, vers l’agence. Ayant pris connaissance de la mission qui lui était confiée, elle repéra sur un grand plan de Rennes les centres névralgiques susceptibles de fournir les informations les plus sûres. Tout l’intéressait. Elle tendait l’oreille au moindre indice. Puis elle revint vers ses comparses. Elles s’enfermèrent et mirent au point leur stratégie. Et c’est ainsi que les passants virent trois girafes quitter la rue de Saint Malo et se diriger vers l’est, le sud et l’ouest de la ville. Il était convenu que chacune devait trouver un gardien conciliant sur un site avec une cheminée. De leur cachette, car bien sûr, vous l’aurez compris, elles devaient se cacher dans la cheminée, elles pourraient jeter discrètement un œil dehors. 
 
         Bien sûr, chacune promit de ne rien dégrader, de respecter les lieux, mais une girafe ne se refait pas et .. petit à petit …  on vit monter à l’est, au sud et à l’ouest de la ville trois cheminée qui grandissaient, qui grandissaient avec la curiosité des girafes. Elles n’en finissaient pas d’élargir leur champ de vision. Mais plus on est haut plus les petits va-et-vient des mortels en bas paraissaient insignifiants …. Plus elles se concentraient pour résoudre  leur énigme, moins elles voyaient ….. Une nouvelle fois Noë fut déçu et les responsables de l’agence de plus en plus irrités.
 
       Noë repartit chercher un expert … pour libérer ses girafes ; les Rennais s’habituèrent à ces grandes cheminées, à l’est au delà de l’avenue des buttes de Coesmes, au sud face à la ferme des Bintinais et l’ouest le long de la rocade. 

        D’aucun pensèrent que ces grandes cheminées servaient de tour d’observation pour les télécommunication ou les pompiers, d’autre pensèrent qu’il s’agissaient de cheminée géante ou d’observatoire …. 

 
       Mais combien comprirent le calvaire de ces pauvres girafes, exposées à tous les regards (du moins le croyaient elles), incapables de sortir leur cou de ces longs tunnels verticaux, et dont l’échec était si voyant ? 

        Pour Isaure ce fut une aubaine ….. aucun des animaux de Noë n’avait réussi à la débusquer ! 

                            Agnès 

 
N.B. Les photos de girafes qui illustrent ce texte ont été prises à Rennes. Si vous en croisez d'autres sur votre chemin, faites nous signe, on fait collection. J.P.L. et J.K.
   
 
  
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