Rennes le 4 avril 2000
Chère Madame
Cela va faire plus de six mois maintenant que je me bats comme un beau diable en faveur de Mlle Isaure Chassériau, la plus méconnue mais aussi la plus méritante des femmes rennaises. J'ai commencé par raconter, en association avec Anne Pia, Katia Lutzkanoff, Hervé Lelardoux et l'atelier d'écriture du Théâtre de l'Arpenteur, dans le chapitre 4 de "Rennes : guide de la ville invisible", un livre publié en novembre 1999 aux éditions "Terre de Brume", que dame Isaure Chassériau a été directrice, à Rennes, il y a quelques années, de l'Agence de Flânerie Amoureuse de Rennes, l'AFAR.
On venait la voir dans son agence de la rue d'Antrain, on choisissait un désir (mystère, enfance, possession, être à deux, partir ailleurs, voyager, fermer les yeux, voir l'Italie à Rennes, etc.), on payait et on avait droit à un parcours guidé d'une heure dans la ville de Rennes dont on revenait particulièrement enchanté. Les livres de comptabilité d'Isaure montrent que tous ses clients sont revenus au moins une fois en redemander.
Las ! Isaure a disparu, l'Agence de flânerie amoureuse de Rennes a fermé ses portes et le tableau du Musée des Beaux-Arts de Rennes qui la représente en jeune fille du XIXe siècle… ce tableau a été volé le premier avril 1999 ! Compte tenu de la date a laquelle s'est produit cet incident majeur de la vie rennaise, les autorités n'ont pas voulu annoncer la catastrophe aux Rennaises et aux Rennais et ont préféré faire exécuter à la va-vite une copie de l'original, une fausse Isaure qui trône encore aujourd'hui au 1er étage du Musée sans que personne n'y trouve à redire.
De mon côté, j'ai réussi à me faire attribuer par ces mêmes autorités (la ville de Rennes, accompagnée en la circonstance de France Télécom et du journal Ouest-France) une bourse en vue de créer un site web dédié à la recherche d'Isaure. Ce site est en ligne depuis le début du mois de février, il s'appelle "Rennes en délires", son adresse est http://www.rennes-en-delires.com
Le site a reçu depuis un millier de visites mais là n'est pas l'essentiel : les internautes qui l'investissent sont invité(e)s à déposer leur contribution à la glorification d'Isaure Chassériau, l'inventrice de cette nouvelle forme de tourisme, sous forme de textes littéraires, informatifs, poétiques ou drolatiques.
Or, malgré la qualité des apports des un(e)s et des autres, Isaure brille toujours par son absence. Ce qui nous rassure en un sens, c'est que le détective privé engagé par le Musée n'a pas avancé d'un pouce, lui non plus, depuis un an. Il faut dire qu'il mène son enquête dans les bistrots rennais et qu'il a tendance à succomber aux charmes… de la ville de Rennes!
Voilà pourquoi je m'adresse à vous ce jour. Je ne doute pas que les rédactrices et les lectrices de "Femme actuelle" auront à cœur de nous aider dans nos recherches. Toutes les circonstances de la disparition d'Isaure sont sur le site, les archives de l'AFAR ont commencé à être reconstituées, mais cela ne suffit pas. Il semble bien qu'Isaure soit partie courir le vaste monde. Tout renseignement la concernant peut être envoyé par messagerie électronique à :
jean-paul.legrand5@wanadoo.fr. (n'oubliez pas le 5 !)
Je vous remercie par avance de consacrer dans "Femme actuelle" quelques lignes à cette entreprise diablement féministe qui est la mienne, je dirai même plus, la nôtre : faire d'Isaure Chassériau la plus actuelle et la plus célèbre des Rennaises, faire en sorte que ce tableau disparu devienne le plus connu des tableaux du Musée des Beaux-Arts de Rennes.
Dans l'espoir de votre visite sur le site, dans l'attente de votre soutien futur à notre entreprise de délire onirique et poétique, je vous prie d'agréer, madame la rédactrice et déjà chère amie, avec mes remerciements anticipés, l'expression de mes sentiments les plus respectueux.
P.S. Surtout, ne parlez pas de tout cela à ma maman ! Elle est une de vos plus fidèles lectrices et ça lui fera une drôle de surprise quand elle verra que les "élucubrations" de son fils ont trouvé un appui certain dans sa revue hebdomadaire préférée !
N.B. La rédactrice multimédia de "Femme actuelle" n'a rien publié et elle n'a même pas répondu à mon pourtant fort courtois courrier. Honte à elle ! Ma mère a vraiment de drôles de lectures !
J.K.