LES PETITES MAINS DE L'ATELIER
106. Les perdus dans la foule
 

        "C'est toujours ça de gagné dans la vie" disaient les perdus dans la foule, les "de la bouche ouverte" de ceux que l'on croise sur les bancs des jardins publics où les rossignols du coin roulent un joint en cachette.

        Ceux là, aux odeurs persistantes (pire que les roses trémières) ne partageaient leur zone d'errance, leur vague à l'âme avec les passants du sans-souci le ventre un peu trop à l'étroit dans leurs pantalons.

        Dans leurs têtes somnolaient les secrets bien gardés par leur mère, leur enfance usée par les souvenirs sur les marches vermoulues des caves.

        Longtemps ils avaient erré par leur chemin boueux croisant des araignées tisserandes d'amour, qui étaient leur rêve ravaudé. Ils flottaient dans les galaxies glacées où le ventre vide il fallait tendre la main.

        Tendre la main ou courber l'échine, comment préserver le rêve ? Comment rêver à l'abri dans des mots en dérive pour naviguer plus loin et ne pas sombrer ?

        Le printemps venu, ils repartaient comme des rossignols bardés d'amertume à la recherche d'un peu de poudre de perlimpinpin.

        Je les voyais de ma fenêtre, passer, ombres pourfendant l'indifférence du matin, un peu dépossédé, un peu triste de ne pas partager le geste d'amitié, le bol de soupe.
 

        Groupe écriture CARREFOUR 18
 

 
 
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