4. Retour au Saint-Georges

 
M. Florent Fouillemerde 
Agence Fiat Panda 
4, rue des Petits Champs 
35000 RENNES 
 
 
 
                                              M. Ferdinand Flure
                                              Agence Dupondet et Dupontet
                                              120, rue de la Gare
                                              65125 LES HAUTS DU TOURMALET

                Rennes le 27 juin 2000

        Me revoilà donc au Saint-Georges où la bière blanche de Bruges prend cette saveur si particulière quand le soleil, sur le coup de 18 heures, donne sur la façade de l'autre côté de la rue et que la lumière vient se refléter sur le carrelage de l'entrée.
       Catherine Ringer chante un peu trop fort à mon gré par-dessus les violons du dernier Rita Mitsuko mais le volume sonore n'excède pas la limite légale de 87 décibels. "Juste 84" précise le barman à une cliente. 

        Et je préfèrerais de beaucoup avoir à la retrouver elle,  cette jeune fille mince, en pantalon et tunique noire, en train de fumer au comptoir, tout en discutant avec lui, plutôt que cette damnée Isaure Chassériau. 

             Celle-là me sort vraiment par les trous de nez maintenant que l'été est arrivé. Je sais bien que j'ai tout mon temps pour la retrouver, les conservateurs du Musée ayant pris soin d'installer une copie en remplacement de l'original afin de cacher au public la disparition de ce personnage emblématique rennais. Mais quand même ! Je me sens de moins en moins disposé à rechercher cette jeune femme un peu commune alors qu'il y en a de si jolies aux terrasses des cafés, sur les bancs du jardin du Thabor, dans les bus et les rues de Rennes.
 
        Et puis même… Je ne sais plus trop ce qui m'arrive, mais cette rue Saint-Georges est si séduisante avec ses pans de bois, ses motifs moyenâgeux, ses enseignes intemporelles… En la parcourant aujourd'hui je me suis aperçu qu'elle était peuplée pour moitié de pizzérias, pour moitié de crêperies… et pour moitié encore de restaurants grecs. Entre Zorba et la Familia, entre le Kerlouan et la Ville d'Ys, il y a tout un espace de rue pavée où dansent des Arlequins et les baladins du Florane sous le regard étonné du perroquet de Cannelle et de l'aigle du Tivoli. Et je n'ose imaginer les ébats de ces personnages d'enseigne dans la rue à la nuit tombée. 
 
       Je me demande quand même qui peut bien être le personnage représenté sur l'enseigne des "Temps modernes". On dirait un conquistador mais l'animal arboré sur son étendard est un sanglier. Un descendant d'Obélix, peut-être ? 

        Il ne fait pas un temps à conquérir quoi que ce soit, de toute façon. La seule envie que j'aie en ce moment est celle de savourer ces petits bonheurs : être en Bretagne, rêver de la mer, des petits ports, de leurs jetées, de leurs phares. Et s'il n'y avait que ça ! Au coin de la place du Parlement le papetier s'appelle Cheminant ! Ca me fait penser… Il faut que je rappelle la petite dame blonde avec laquelle je suis allé à Sablé-sur-Mer. Peut-être a-t-elle dressé des plans de bataille du genre randonnée communautaire pour les vacances qui arrivent ? 

        Sinon, est-ce que ça vous dirait qu'on se retrouve au Festival interceltique de Lorient  pour la dernière représentation de l'"Héritage des Celtes" de Dan Ar Braz ? On pourrait en profiter pour parler de ce mystère Chassériau, vu de votre côté ?

        Répondez-moi, mais, croyez moi, ça ne presse pas.

        Amitiés à madame Lapsi.