CHAPITRE XII,
       LES POEMES DE THEODORE CHASSERIAU ET LES VOTRES
      Texte 118 : Pas de printemps pour les poètes
                              par Charles Belair, poète édité cet hiver
 
       Si  j’écris le mot dans la bouche, vous allez m’entendre ; si je vous le sers à la louche, je vous vends le mot. Si le mot fait souche dans le vers, comment l’entendez-vous ? Est-il vendu dans la louche entre les mots ou est-il venu de la bouche ? Allo ? Vous m’entendez ? Suis-je dans la bonne audience ?       Ces histoires de mots, pour moi qui ne suis pas poète, honnêtement, mettent en pot des louches de vers. Dans les pots, les vers sont comme des sous dans un cochon. Et le capital du mot est sous le secret du couvercle. Les mots ne combattent plus les vers, ils sont libres, aussi dans les pieds et nous pouvons commencer sans papiers la guerre. 
 « - Cartouche d’éclat dans le fusil de la parole. Mourez ! Feu !
- Méchant bonhomme, saleté de tir, j’ai le tympan crevé !
- Les mots armés sont dits, mille escouades ! »

       Les vers, en pot dans le bocal sont des collections naturalisées qui tranchent la verve. Le pot du monde est derrière le printemps, l’hiver en poète se passe honnêtement dans les vers, à la louche, et je vous l’ai vendu : vous l’avez entendu.

       Le gars qui vient de passer avec ses mots c’était pas un poète.

       Un poète rit, un poète pleure, il a des mots sous la plume, il ne les dit pas, il les transforme. Ce serait mettre au pas la mouette que de la faire marcher au lieu qu’elle vole. Les poètes au pas courent toujours après le printemps ! Ceux qui volent sont dedans, avec des larmes et des rires alarmants, ils sont dedans par tous les temps. Le poète en hiver qui se perd dans le désert avec des colères et des glaces, le poète-solitude n’a que des mots pour lui. Il les dit dans le cratère d’une dune, comme un iceberg en débâcle. Le poète ne change pas avec les saisons, il les dérègle. Il ne dit pas les choses, il les écrit dans sa cervelle. Il est complètement fou. Il biffe le cervelet, saigne les hémisphères et déloge la molle épinière. Le poète est un boucher enragé dans la syntaxe jusqu’au cou.

      Tout se contredit, se dénature, seule la liberté est authentique !

      Au-then-ti-que, étymologie grecque, principe absolu. Le poète n’admet pas d’autres meubles que la liberté. Il range tout dedans et pèse lourd quand il tombe sur nos pieds. Méchant poète, tiré par les cheveux et sommé de dire ce qu’il a dans les tiroirs. Inventaire du printemps. Dépoussiérage et blanchiement. La pureté est passée depuis que le mot est dit, tandis qu’écrit, il résiste à l’auditoire. Poète pied-blanc du printemps, bouffon-manchot sans dialectique particulière mais calant son effet sous l’aile. Poète pan-pan fâché avec l’écriture, je te pends car je suis dans l’avion un accoudoir entre les hémisphères à cause de la mondialisation du printemps.
 
            Charles Belair p.c.c Gwenaël De Boodt