- Hola, signor Scaramouche
! Arrêtez-vous ! Vous voilà à courir plein pot dans
la plaine de Baud et pour un peu vous m’écrasiez les escarpins sans
même vous excuser ni, pire encore, me saluer !
- Eh bien, qui va là ? Mais c’est ce bon vieux Pantalone ! Que faites vous là en embuscade sous ce parasol ? - Hé, signor Scaramouche, l’amour, toujours l’amour ! J’ai croisé tout à l’heure, dans la rue de Paris, une belle en crinoline rose qui m’a esquissé un sourire sous son ombrelle jaune. Aussitôt j’ai fait demi-tour, je l’ai suivie et maintenant… Je crois que je suis juste bon pour la camisole ! - Allons bon ! La belle était fantasque et elle vous a transformé en mozzarella ? - Mon bon signor Scaramouche, moi qui étais si jovial à l’idée d’aller lui seriner, en virtuose, sous son balcon, une ritournelle à votre façon… |
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- Ne serait ce pas plutôt
à la façon d’un Pavarotti qui aurait mangé trop de
carpaccio de pizza et de spaghetti ?
- Ne m’interrompez pas toujours ou vous ne saurez jamais mon histoire. Vous êtes énervant à la fin ! - Alors dites, l’ami, et ne batifolez pas dans le vermicelle, vous allez finir par me faire pédaler moi-même dans la semoule ! - J’allais donc attaquer le grand air de Don Juan quand je ne sais quelle sentinelle lui a donné l’alerte. Au moment d’investir la citadelle de son cœur, à l’instant où je passais à l’attaque en brave soldat des Abruzzes, Pfffuit ! - Pfffuit ? - Pfffuit ! - Ce qui signifie ? |
- C’est une dame blanche qui
suce… de la glace !
- Je crois que j’ai réussi à comprendre, signor Pantalone. C’est l’histoire du mystère du bus 40 express - Le mystère du bus 40 express ? - Oui. Le bus 40 express ne s’arrête jamais devant l’arrêt prévu à la station « Plaine de Baud » mais dix ou quinze mètres avant. N’est-ce pas au niveau de l’abribus que votre belle a disparu ? - Si fait, mon cher Scaramouche, mais vous jetez le trouble dans mon cerveau. Ce n’est plus un cerveau, du reste, c’est de la gélatine ! - Avez-vous remarqué, du coup, que personne n’attend jamais le bus sous l’abribus ? - Ma foi, je crois que vous dites vrai, mais je ne suis ni les arpèges de votre mandoline, ni les arcanes de votre raisonnement ! |
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De ma place habituelle, celle qui est la deuxième sur la droite dans le sens de la marche, de l’intérieur du bus n° 40 express, je les ai vus se diriger vers l’abribus toujours désert.
Les deux personnages de la Commedia dell’arte, vêtus de costumes du XVIIIe siècle, ont disparu dans le brouillard au niveau de l’abribus. L’un d’eux semblait à la poursuite d’une jeune fille de vingt ans en crinoline rose.
A l’arrêt suivant, je suis descendu et j’ai gagné mon bureau.
Une chose qui n’avait pas disparu, c’est la pile de dossiers qui m’attendait
ce jour à côté de mon ordinateur.
N.B. Ce texte a été écrit
à l'atelier d'écriture de Villejean le 26 février
2002. La consigne était d'inclure les mots français d'origine
italienne dont la liste suit :
"dessin, balcon, arpège, virtuose,
ritournelle, festin, banquet, vermicelles, gélatine, semoule,chou-fleur,sentinelle,
alerte, embuscade, soldat, attaquer, investir,camisole, caleçon,
crinoline, escarpin, veste, ombrelle, parasol, pommade, lavande, fantasque,
gigantesque, pittoresque, brusque, ingambe, jovial, caresse, réussir,
esquisser, batifoler"
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