CHAPITRE X : PETITS PLAISIRS RENNAIS
Texte 118 : Jardin de l'âme
   
AUX PORTES DE LA VILLE
ADIEU JARDINS OUVRIERS ! 
   
Dans mon jardin il n'y a plus rien,  

Il y a des tas de morceaux de planches,  
Des branches cassées,  
De la terre entassée,  
Les cerisiers en miettes,  
Les poiriers écrasés, le puits enfoui,  
Les mésanges qui n'auront pas pu faire leur nid dans la pompe,  
La haie détruite, les giroflées arrachées,  
Les tulipes qui pleurent ;  

Les jonquilles gémissent, 
Les roses ne piquent plus, 
Les noisettes ne cassent plus les dents 
Les fraises rouges endolories 
Les limaces meurtries, 
Les taupes transpercées, 

Il y a, il y avait : 

Des framboises qui sont passées par la toise, 
Des râteaux qui ont bien défraîchi, 
Des cassis à qui tout est permis, 
Un laurier fleur qui sait toujours l'heure, 
Un bâton, qui fait que ça tourne rond,  
Un cerisier qui n'a pas encore péché, 
Un pêcher tout en fierté et beauté, 
Les pommiers avec leur tapis de fleurs blanches,  
De la terre qui s'enterre, 
Une bêche qui bêche,  
Un nid qui languit, 
Un houx qui fait coucou, 
Une poire qui se laisse choir, 
Des groseilles qui ont goût d'oseille, 
De l'oseille qui veille 
  

Il n'y a plus de pommiers de Bretagne croulant sous leur charge 
Plus de chants d'oiseaux et d'étourneaux voleurs de cerises 
Plus de chapardeurs de légumes  
Plus de cabanes avec ses trésors 
Plus de ruisseau qui coulait sous le petit pont de pierre 
Plus de pont de pierre 

 
 
 
 
 
 
   
    
    
    
    
    
    
 
 
Dans mon jardin il n'y a plus rien que :  

Le bulldozer qui trône comme le roi du pétrole et le roi du bitume  

Il n'y a plus que mes souvenirs endoloris par la destruction  

Et oui c'était au Sud de Rennes  
 
"Ce fut … un jardin extraordinaire" diront les archéologues de demain quand ils en exhumeront les vestiges enfouis sous le VAL ou sous le bitume. Ils ne sauront jamais ce qu'était ce jardin au pied des tours. Il y poussait de la vigne, des carottes, des poireaux, des fruits, des fleurs. On pouvait déguster sur place. 

La senteur du lilas, des giroflées ne viendra pas chatouiller les narines. 

Pour toi jardin j'avais rêvé d'un autre après, d'une autre vie. 
Tu aurais pu continuer ta vie de paradis terrestre. 
Les enfants des tours seraient venus se désaltérer, actionner la pompe et faire remonter l'eau du fond de la terre. 
Voir nourrir et grandir les petits des mésanges cachés sous son couvert. 
Cueillir les pommes sur les pommiers 
Faire des boucles d'oreille avec les cerises 
Se barbouiller avec les framboises et les cassis 
Parler aux légumes, les cueillir, les éplucher et les préparer dans une grande marmite avec les jardiniers en chantant et dansant autour du feu 
Jeter des cailloux dans le ruisseau du Blosne 

Tu aurais pu devenir le lieu de promenade des " urbains". Le jardin du Sud ou du Blosne, où il aurait fait bon découvrir les cerisiers en fleurs, respirer l'air frais des soirs d'été, à l'automne se régaler du raisin et se saouler à la fête du vin .J'avais rêvé que toi, Jardin, tu deviennes le jardin de verdure, de gazouillis d'oiseaux, un hymne à la vie. Mais ce n'était qu'un rêve et te voilà entré dans l'histoire. 

Mais peut-être n'es-tu pas vraiment mort. Ton âme flotte peut-être au-dessus des trois clochers du VAL et alors tu es sacré " JARDIN DE L'AME" 
  

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
             Atelier d'écriture Carrefour 18
 
Merci à la famille Perrin d'avoir bien voulu partager ces vues d'une Rennes bucolique.
A visiter également : les jardins ouvriers de Rennes sur Rennet.org
 
Retour au menu de 
Rennes en délires
Retour au menu des 
Petits plaisirs

 

Précédent
Suivant