J'ai écrit un jour à mon père, sur un livre que j'avais
beaucoup aimé et que je lui offrais en cadeau, que la meilleure
chose qu'il ait faite pour moi, lorsque j'étais enfant, c'est de
m'inscrire à la Bibliothèque municipale.
Pour rétablir l'exacte vérité, c'était d'ailleurs ma mère et non mon père, et je crois qu'il fallait avoir six ans pour accéder à ce lieu magique et mystérieux. C'était rue de la Borderie et pour s'y rendre il n'y avait que deux coins de rue à faire. Je pouvais donc m'y rendre seule. On pouvait, si on le voulait, y aller aussi en traversant ce qui, je crois, était un bâtiment universitaire avec un petit jardin où nous allions jouer de rares fois quand il faisait très chaud. |
|
La magie était faible à l'étage des enfants. A gauche,
en arrivant, il y avait la partie réservée aux moins de douze
ans. Mais la fée y séjournait peu. Malgré la dame
à lunettes et à cheveux gris qui y imposait le silence et
régnait sur cet univers, il y avait du bruit et du remue-ménage.
On y lisait des livres, pas des bandes dessinées, et c'est là
qu'est né mon premier fantasme relatif à ces rangées
de livres : les lire tous en commençant par la lettre A et en tournant
autour de la pièce jusqu'à la lettre Z. Las, je n'ai jamais
pu aller plus loin que la lettre B. Il y avait toujours des livres sortis
et, tous les ans, la dame en rajoutait de nouveaux.
Le domaine de la fée était à l'étage au-dessus de la partie réservée aux adultes. Là se trouvait la bibliothèque des jeunes de 12 à 16 ans - on ne disait pas encore des adolescents -. La fée y régnait en maître, dans cet espace un peu froid de chaises à lamelles de plastique vertes et de tables grises. Pas de confort ni de moquette. Les livres étaient autour sur des étagères et, comme c'était le mois d'août, la fenêtre restait ouverte. Il suffisait d'en prendre un ou deux et de s'asseoir, correctement, les pieds sous la table et le livre dessus, et le bonheur commençait. Je quittais pour deux ou trois heures ce monde qui ne me plaisait pas vraiment pour l'univers magique, différent, sans cesse neuf du livre dont je parcourais les pages. |
Et j'émergeais de ce monde, quand approchait l'heure de la fermeture,
en lisant à toute vitesse les dernières pages pour connaître
la fin de l'histoire. A moins que je n'aie entamé un nouveau volume
que je viendrais finir demain, puisque la fée serait encore là
pendant toutes les vacances...
La Girafe
![]() |
|
![]() |
|