Chapitre IX, LA GALERIE DE PORTRAITS
Texte 105 : Marie du canal Saint-Martin
 
 
       C'est une vieille roulotte, un peu calèche. 

        Elle est stationnée là depuis longtemps, tellement longtemps qu'on ne sait plus très bien depuis combien de jours, de mois ou d'années. Elle est sur un terrain vague que les promoteurs voudraient bien pouvoir récupérer. A côté des immeubles, des collectifs, des maisons. Et là le terrain vague. Au milieu la roulotte. Heureusement le terrain est inondable. 

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* Veillez à ce que la porte soit bien fermée afin que mon chat ne s'échappe pas. Merci.
 
        C'est pas très loin du canal Saint-Martin. Devant, l'eau, au milieu, le vague, derrière, la vie de la cité. La vie qui grouille, qui ronfle de bruits et qui ne s'éteint que quelques heures pendant la nuit. Cette vie, Marie l'a connue, l'a vécue, l'a subie, l'a aimée puis détestée. Elle habitait la banlieue parisienne, vivait dans un appartement de 12 m 2, avait un boulot. Bref elle avait une vie à peu près courante, banale et plus ou moins heureuse. Un homme de temps en temps, des amis souvent, un amant parfois.

        Marie survivait dans tout ça. Sa place n'était pas vraiment là. Son idéal était ailleurs. Elle s'est mise à imaginer un ailleurs, à rêver de nulle part. Puis un jour elle a tout plaqué : le boulot, l'appart', le mec... Elle avait jeté cette vie. Elle s'en était procuré une autre. Elle est arrivée là par hasard. Elle aimait les chevaux et les légendes bretonnes...

        Marie aimait toutes les bêtes, elle avait un chat qui se prénommait Choco. La phrase qui était inscrite sur la porte intimidait beaucoup les voisins. Certains même s'amusaient à la prendre en photo. La porte et Marie aussi.
 
      Ce qui impressionnait les rares gens de passage n'était pas seulement la roulotte, le chat, etc... mais Marie et sa coiffe. 

        On aurait dit qu'elle sortait d'un autre temps, le tableau était cocasse quand elle allait acheter son pain vétue de noir et de dentelles. On aurait cru qu'elle allait au pardon de Rosporden ou d'Elliant. Elle avait une démarche lente et progressive. Nonchalante et le regard à ses pieds elle disait à qui voulait bien l'entendre que, de toute façon, le temps finit toujours par arriver. 

        Elle avait le pain pour la semaine, le lait pour Choco et les secrets dans le regard.

 
        On aurait beaucoup à apprendre de la vie de bohème, de l'importance des choses vraies et du superflu de toutes les autres. Si vous me suiviez, on pourrait aller à sa rencontre. Par chance on la verrait peut-être. Elle dit que les gens qui écrivent approchent souvent de la vérité.

        Mais moi je ne vous y emmène que si vous n'oubliez pas de fermer la porte derrière vous. Pour un peu que le le chat s'échappe !
 
                        Elise
 

 
 
 
 
 
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