CHAPITRE IX, LA GALERIE DE PORTRAITS
Texte 102 : Le professeur de latin
 
 
        Mon professeur de latin compense les centimètres qui lui manquent par la terreur et a remplacé les quelques kilogrammes qui lui font défaut par un poids identique de machiavélisme.

        Il nous fait vivre dans la crainte permanente de la "petite récitance".

        La "petite récitance" est une courte interrogation écrite, impromptue, aléatoire, improvisée et imprévue.

        Aussi, notre estomac se noue lorsque la frêle silhouette se dessine sur le chambranle de la porte, glisse le long du mur en montant les marches de l'estrade et disparaît derrière le bureau dans un grincement d'os.

        Commence alors une courte éternité d'anxiété.

        Toute la classe attend dans un silence polaire le verdict du jour.

        "Ouvrez votre livre" et c'est un soulagement général.

        "Une petite récitance", énoncée sur un air méphistophélique, nous fige le sang. Chacune de ces interrogations est un instrument de torture, une dictée façon "Prosper Mérimée" qui nivèle la classe par le bas, rassure le cancre et désespère le bon élève.

        Il a les yeux cernés comme la maison d'un fou sanguinaire, et dicte ses questions en balayant la classe de ses félines pupilles qui, par la grâce de fentes palpébrales effilées comme des meurtrières, ne laissent passer en guise de regard qu'une aveuglante intention de massacre.

        Rien d'étonnant, après tout, qu'un professeur de langue morte ait mauvaise haleine.
 

                                                                 L'oncle Dan (Kafeolait@aol.com)

Si vous voulez savoir qui se cache derrière ce pseudonyme, allez lire la page de l'oncle Dan : elle est EX-CEL-LEN-TE et vivement recommandée par la Faculté. Merci et à bientôt, oncle Dan !
J.P.L. et J.K.
 
 
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