Aujourd'hui, j'ai parcouru la rue de l'Alma dans toute sa longueur à la recherche d'un zouave. C'est, encore une fois, une drôle d'histoire. Je vais vous l'expliquer de A jusqu'à Z. De A comme Alma jusqu'à Z comme Zouave.
Je suis parti de la gare, ou plutôt, de la place de la gare. Le zouave, lui, il est parti de Nantes, en faisant une escale au Jules Verne ou bien il est parti de Saint-Malo, en faisant un arrêt au Surcouf. J'ai tendance à penser qu'il est parti par le Nord, par Saint-Malo, à cause de la pancarte publicitaire apposée à la façade du Surcouf : "A l'intérieur sont représentés les sites touristiques de 12 pays européens. Sans oublier les villes jumelées avec Rennes. C'est un véritable musée de l'évasion".
Ou alors, il s'est posé boulevard de Beaumont, dans un des nombreux bars alignés parallèlement aux rails du chemin de fer : le Métro, le Bar de l'Arrivée, le Bar du Havre, l'Atlantic, le Lagon bar. Il y aura bu, pour se donner du courage, une "Desperados, bière aromatisée tequila" et se sera fondu dans le paysage à la manière d'un caméléon.
Peut-être a-t-il joué lui aussi au jeu des animaux dans cette rue ? Il aura compté 30 volailles au Gascon, se sera peut-être régalé d'un "méli mélo d'alouettes sans têtes aux fruits sauvages ou de "Notre Gasconne mi-jardin mi-verger" ?
En attendant de rejoindre ceux du désert, il aura compté un scorpion sur l'affiche du club de fléchettes ?
Se sera-t-il étonné, à côté du bar "L'Express", de voir que loge là une famille nommée "Chameaux" ?
On ne sait s'il est allé répondre à l'appel de la
Sirène du "Havre de Paix". A la cordonnerie Le Pantouflard, au magasin
de farces et attrapes "Arlequin", on ne se souvient pas de l'avoir vu passer,
le zouave.
Et pourtant nous voilà rue de l'Alma. Rien sous le pont, pas de
tunnel pour les voitures, pas de roses pour la princesse, pas de zouave
les pieds dans l'eau. Juste une trace, de l'autre côté : "Le
Zouave". C'est un bistrot qui porte ce nom mais rien ne figure à
sa devanture, pas d'enseigne, pas de représentation du brave soldat.
Rue de l'Alma, café le Zouave. Ca fait bien comme adresse, je trouve.
Un peu plus loin souffle un vent d'Afrique : la boucherie Halal propose ses spécialités de merguez, installée à l'ombre d'un grand palmier. |
La maison du matelas, à côté, est toute cassée.
Sans doute en faillite. Vu le grand soleil qui éclaire la façade
du café del Mar, on ne doit vendre que des hamacs dans le quartier
!
De toute façon, les dames qui habitent sur le trottoir d'en face n'ont pas l'occasion de venir faire leurs courses ici : sur le trottoir de gauche de la rue de l'Alma s'étend à l'infini le mur de la prison des femmes. |
Drôle de fortin en Dancalie ! J'ai du mal à quitter des yeux
ce grand arbre aux fleurs blanches qui est le seul sans doute à
leur dire, derrière le mur :"Le printemps est arrivé, l'air
est doux, le soleil tendre, il doit faire bon marcher dans la ville, il
doit faire bon regarder le monde"
Non, vraiment, pas de trace du zouave, rue de l'Alma. Toutes les rues que l'on traverse nous renvoient vers d'autres époques, plus antérieures : rue Paul Féval, rue de La Villemarqué, rue Ange Blaise, Rue Ginguené, rue Jacques Cartier… |
Et puis une lueur, au 99 : les restaurants du Cœur. Ce serait Coluche,
le zouave ?
Et puis une question, sur le même trottoir devant cette porte colorée. N'aurait-il pas habité là ? Un zouave peintre du dimanche qui aurait peint sa porte d'entrée de couleurs vives. Eh bien quoi ? Il y a bien eu un facteur Cheval et un douanier Rousseau ! |
Ou alors, le zouave s'appelle Clémenceau. La dernière chose à voir, dans la rue de l'Alma, c'est un motif celtique sculpté sur le fronton d'une maison ancienne. Après, on arrive boulevard Clémenceau. Un drôle de loustic aussi celui-là, si j'en crois ma documentation. |
J'ai retrouvé la rue Saint-Hélier, ai photographié
les Lilas, une boutique de fleuriste qui fait très années
50 et, plus loin, j'ai fait un détour pour aller saluer monseigneur
Duchesne, membre pur et dur de l'Académie française. Le ciel
m'est témoin que je n'ai pas voulu voir
cela
! Mais bon, je n'ai pas résisté non plus. Je n'ai rien fait
monsieur le juge ! J'ai juste appuyé sur le bouton !
Je me suis arrêté à la Trocante, sur le boulevard Solférino, mais je n'ai vu qu'un pirate en vitrine.
Et effectivement, le voilà. Ce serait lui qui, en 1839, aurait disparu
à jamais de Rennes en emmenant avec lui, pour on ne sait quelle
destination, la jeune et jolie Isaure C., 21 ans, vêtue, le jour
de sa disparition, d'une robe rose à manches bouillonnées
et coiffée de macarons.
Quand j'ai raconté tout cela à Isaure, ma patronne m'a juste dit en retour : - Tu sais quoi, P'tit Louis ? J'ai l'impression que tu travailles de la chéchia, parfois ! Ca veut dire quoi, ça ? Ce serait moi le zouave ? |
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