CHAPITRE III : NOTES DE PARCOURS DE P'TIT LOUIS
9. Notes prises pour le parcours des anges, 1
 
 
Place du Bas des Lices, Rue de Juillet, Rue de la Monnaie
  
Il ne faut pas confondre le saut de l'ange et le parcours des anges. Si le premier peut-être effectué tout au long de l'année du haut du plongeoir de la piscine Saint-Georges, le second ne nous éblouit les yeux qu'en janvier à Rennes. Je ne comprends d'ailleurs pas à quels calendriers loufoques se réfèrent les étalagistes qui installent tous ces personnages dans les vitrines de notre ville : aux sorcières d'Halloween succèdent les père Noëls de diverses couleurs et en janvier, au lieu des trois rois mages, arrive la procession des anges. 
 
Place du Bas des Lices
 
Station n° 1, quasi obligatoire, devant le magasin d'antiquités de la place du Bas des Lices. 3 angelots musiciens y servent de support à des colliers de perles blanches. L'un d'eux sur son violon joue des pizzicati (c'est à dire qu'il joue sans archet en prenant son violon pour une guitare). L'autre joue du pipeau mais avec une seule main. Il s'accroche au rideau avec l'autre. On se demande bien à quoi lui servent ses ailes ! 
 
Il y en a d'autres aussi qui sont en porcelaine mais ceux que je préfère, les deux petits dorés, trônent au-dessus d'un accroche-montre et s'embrassent sur la bouche sous l'oeil réprobateur de madame Porcelaine. 
 
J'y passerais des heures devant cette vitrine, si je m'écoutais. Je me demande même si je ne vais pas bientôt me promener avec un pliant sur l'épaule. Je m'installerais ici, assis, sur le trottoir et je prendrais des notes sous l'oeil médusé des passants. 
 
Dialogue de la harpiste et de son professeur (la harpiste, ravages dus au temps ou bien à une chute, a le bout des doigts cassés) 
- Je ne peux pas continuer, monsieur Léopold, je me suis ruiné cinq phalanges sur cet instrument à la con.  
- Mon pauvre ange ! Quelle idée aussi de jouer sur une harpe dont les cordes sont en laiton ! 
 
Rue de la Monnaie
 
Il faut se rendre ensuite à l'Annoncerie, rue de la Monnaie, en sifflotant "la marche des Anges". L'enseigne représente une victoire de Samothrace dont la tête serait allée se promener place de Coëtquen, histoire de prendre le frais dans la fontaine de Parmiggiani. Un ange décapité ! 
 
Dans la vitrine de l'Annoncerie, les angelots sont à profusion. Ils sont accrochés au mur, dans la partie gauche de la vitrine centrale. Combien coûte un ange ? 395 F ! Oh l'emplumé, dis ! Le prix est écrit sur son ventre. Cela évite de poser la question traditionnelle : les anges ont-ils un nombril ? 
 
Dans le fond du magasin, il y a l'angelot rêveur. C'est une sculpture d'albâtre (ou de plastique) blanc. On ne voit que ses coudes écartés, ses mains posées sous son menton et ses petites ailes déployées. Il est sans doute le seul à entendre la musique jouée par ceux de la vitrine. Ou bien sinon, qu'écoute-t-il ? 
 
Pierrette, la travestie, a replié ses ailes. 
Grande, mince, papillon noir et blanc 
On la verrait très bien sous un chapiteau rouge 
Dans un rond de lumière, sur un fil d'araignée 
Auquel sont accrochés nos regards et nos peurs, 
Faire des cabrioles au ciel de nos désirs. 
"L'artiste travaille sans filet" annonce monsieur Loyal 
- Remboursez, c'est truqué !" lance Dieu de son fauteuil. 
 
A la société de banque de l'Ouest, les anges en façades sont du genre... masculin. Ceux-là ne rigolent pas et ne jouent pas de musique. On ne plaisante pas avec la thune. Le fait que l'on amène ici espèces sonnantes et trébuchantes ne leur fait même pas esquisser un sourire. Existe-t-il des anges gardiens... de prison ?
 
 
A côté, au Crédit Lyonnais (on est vraiment rue de la Monnaie !), il y a Séraphin Dedroit, le héros de la chanson "Chômage au fond de la vallée" de Chanson Plus Bifluorée. Le 25 décembre au soir, il s'est déguisé en Père Noël pour aller cambrioler la banque. Tout a très bien marché, il a ouvert le coffre sans déclencher l'alarme, il a rempli sa hotte de liasses de billets, mais en redescendant le long de la façade il s'est pris le pied dans la grille et n'a jamais réussi à le décoincer. Comble de malchance, la tempête historique lui a soufflé dessus toute la nuit sans faire tomber le mât auquel il était suspendu. Le lendemain matin, les policiers n'ont plus eu... qu'à le cueillir. 
"Sacré Séraphin / tu mérites bien / la cloche d'airain" 
 
      
 
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